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répéter : « Achevons l’union dans le pays ; soyons libéraux, soyons tolérans… Restons en toutes circonstances en pleine possession de nous-mêmes. Ayons l’exacte mesure des choses et l’équilibre constant qui fait les grands peuples et les fortes démocraties ! . »

Voilà qui est au mieux. Malheureusement ce que M. le président du conseil dit aujourd’hui aux aimables populations de Tarn-et-Garonne, il l’a dit déjà il y a deux ans à Lille, à Nantes, à Bordeaux. Il a promis la modération, la conciliation, la tolérance, le libéralisme. Qu’en est-il resté ? M. le président du conseil n’aurait probablement pas demandé mieux que de ne pas manquer à sa parole, de demeurer fidèle à ses inspirations. Il l’aurait voulu ; mais c’est là justement la question. M. le président du conseil est plus invariable dans ses bonnes intentions que dans ses résolutions, et il finit par ne plus se reconnaître entre ses discours et ses actes. Une fois devant le parlement, devant son parti, la scène change pour lui. Il a ses amis, ses alliés, ses conseillers, — il faut bien qu’il les suive, puisqu’il est leur chef ou le gérant responsable des passions du parti. Il a prononcé le discours de Bordeaux, et il n’a pas moins signé ensuite les décrets du 29 mars, sauf à recommencer après coup, à Montauban, le discours de Bordeaux légèrement modifié pour la circonstance. Comment va-t-il aujourd’hui se tirer de cette nouvelle affaire ? A peine a-t-il promis une loi sur les associations, une loi libérale sans doute, que déjà dans le parti on lui signifie qu’il a commis une singulière imprudence en engageant le cabinet, et on a de sa constance une telle idée qu’on ne craint pas d’ajouter : « Qui sait si le président du conseil ne sera pas obligé d’agir en sens contraire des déclarations de Montauban ? » Et puis, on dit vrai, tandis que M. le président du conseil parle à Montauban, d’autres de ses collègues parlent ailleurs. M. le ministre de l’intérieur qui, lui aussi, a ses réunions de commis-voyageurs à Toulouse, parle d’exécuter jusqu’au bout les décrets du 29 mars ; M. le garde des sceaux, à Nîmes, parle plus que jamais d’exécuter la magistrature. Est-ce là encore de la conciliation ? La politique du ministère semble consister à se servir alternativement de ces deux mots de fermeté et de modération. Malheureusement la fermeté ne sert qu’à couvrir un arbitraire intermittent, et la modération ne sert qu’à couvrir des actes qui ne sont ni modérés ni libéraux.

C’est la saison des voyages et des manifestations, des banquets et des discours un peu en tout pays. C’est aussi le moment des anniversaires de tout genre : les uns sont les fêtes spontanées et heureuses d’un patriotisme sans arrière-pensée ; les autres moins innocens, moins inoffensifs peut-être, ravivent des images de guerre et perpétuent le souvenir des crises tragiques où des nations se sont trouvées aux prises. A Bruxelles et à Vienne, on célèbre avec pompe, avec effusion la cinquantaine de l’indépendance belge, la cinquantaine de l’empereur François-Joseph. En Allemagne, on a eu l’air de vouloir mettre, cette