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au silence de l’histoire par la sagacité avec laquelle elle recueille et elle interroge les plus chétifs, les plus grossiers objets portant la marque du travail de l’homme et que les fouilles ont fait découvrir. L’archéologie préhistorique est devenue une méthode spéciale d’investigations dont on a un peu abusé sans doute, où l’on a parfois compromis la science, mais qui a cependant rendu à l’histoire des services signalés. L’archéologie scandinave est sur un terrain plus sûr quand elle s’occupe de monumens et d’antiquités remontant seulement au commencement du moyen âge. C’est l’époque de la grande puissance des scandinaves, de leur domination sur la Baltique, de leurs expéditions sur le littoral de la France, des Pays-Bas, de leurs colonisations dans les Iles britanniques et en des régions plus lointaines. Ils portaient devant eux la terreur et traînaient après eux la dévastation. Les historiens nous avaient parlé de cette ancienne puissance des scandinaves, mais ils ne nous avaient pas fait connaître suffisamment l’état social de cette nation d’où sortaient des corsaires si redoutés. Entre les érudits qui ont le plus contribué par leurs travaux à éclairer cette question, je dois citer au premier rang M. J.-J.-A. Worsaae ; il s’est fait un nom par ses belles recherches sur les monumens scandinaves et sur les trois âges de pierre, de bronze et de fer au nord de l’Europe. C’est surtout des résultats neufs et originaux auxquels il a été conduit, et qu’ont confirmés les travaux d’autres antiquaires, que je veux donner ici une idée. Si ces découvertes intéressent spécialement ses compatriotes, elles sont aussi de nature à piquer notre curiosité, car nous, hommes de l’Europe occidentale, en jetant les yeux sur notre généalogie nationale, nous rencontrons précisément quelques-uns des chefs dont M. Worsaae et ses émules ont retrouvé les véritables traits et reproduit la figure, sinon d’après nature, au moins d’après une empreinte prise sur le vif.


I

La plus ancienne mention de la Scandinavie et des îles qui s’y rattachent que nous fournisse l’antiquité, nous fait remonter un peu au-delà du commencement de notre ère. Ce qu’avaient pu savoir de cette contrée les Phéniciens et les Carthaginois ne nous a point été transmis, et les premières informations qui s’y rapportent furent recueillies par les Romains dans leurs guerres en Germanie. Elles sont trop incomplètes pour nous donner une idée suffisante de l’état social dans lequel se trouvaient, il y a dix-huit siècles, les populations établies dans la Suède méridionale, la Norvège et le Danemark. Les Romains, au temps des premiers Césars, n’avaient pas d’ailleurs dépassé le littoral méridional de la Baltique,