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tenir envers et contre tous, il résolut finalement de tenir tête à l’orage. Il se refusa donc à réunir l’assemblée générale du Brahma Somaj, que réclamaient les opposans, et, lorsque la congrégation de Calcutta, dans un meeting qu’il avait convoqué lui-même pour le 21 mars, l’eut déclaré « impropre à remplir les fonctions de ministre dans le mandir de Calcutta, » il prétexta de certaines irrégularités dans l’inscription des votans pour contester la validité de cette décision, sans toutefois consentir à se représenter devant une nouvelle réunion. Le dimanche suivant, les deux partis se disputèrent le mandir, mais Keshub, ayant obtenu l’assistance de la police, resta maître du terrain. Les dissidens, renonçant alors à prendre possession du temple, se décidèrent à sortir du Bharatbharsia Somaj pour former une organisation nouvelle, le Sadharan Somaj, ou « Somaj universel. » Dès le 15 mai, les bases en furent arrêtées dans une réunion de plus de quatre cents brahmaïstes, présidés par un jeune indigène dont on vante fort le talent et l’éloquence, Ananda-Mohan-Bose. Voici en quels termes sobres et élevés le manifeste qui y fut adopté définit les principes de la nouvelle association et justifie indirectement sa rupture avec le Brahma Somaj de Keshub : « Nous tenons pour naturelle à l’homme la croyance en Dieu et en la vie future ; nous considérons les rapports entre Dieu et l’homme comme directs et immédiats, c’est-à-dire que nous ne croyons à l’infaillibilité d’aucun livre, ni d’aucune écriture ; tout livre qui renferme des vérités calculées pour ennoblir l’esprit ou élever le caractère est une écriture sainte pour le brahmaïste ; quiconque enseigne ces vérités est pour lui un guide et un maître. Nous attachons une égale importance à la culture de la raison, de la conscience, du sentiment et de la foi. Nous considérons comme une calamité toute autorité absolue d’un homme dans une association religieuse, et, loin de réprouver la liberté de penser, nous la regardons comme une sauvegarde contre la corruption et la décadence. Toute doctrine qui fait d’un homme l’instrument du salut ou le lien nécessaire entre Dieu et nos semblables nous parait indigne d’un déiste, et nous repoussons de nos rangs quiconque la professe. Enfin nous considérons comme un blasphème envers Dieu de revendiquer le privilège de l’inspiration divine pour tout acte contraire aux injonctions de la raison, de la vérité et de la morale. »

À la fin de septembre, le travail du comité provisoire était terminé, et le Sadharan Somaj se constituait définitivement avec le double caractère de congrégation brahmaïste pour Calcutta et de centre pour les congrégations affiliées de province. Toute son organisation est du reste calquée sur celle du Bharatbharsia Somaj, sauf qu’il a sérieusement appliqué le principe du gouvernement représen-