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de Pascal, parce qu’il y a travaillé et qu’il y en a qui passent pour être tout entiers de sa main. C’est donc Pascal encore et Port-Royal que nous entendons dans ces écrits ; mais il en résulte que les curés de Paris étaient avec Pascal et Port-Royal, et détestaient autant qu’eux les jésuites. Ces dix morceaux sont moins agréables que les Provinciales ; mais ils sont aussi forts et en un sens même plus hardis, parce qu’ils sont composés au nom de gens ayant autorité et droit de plainte et de réquisition publique[1].

Dans le sixième (cinquième des éditions modernes), qui est tout entier de Pascal lui-même, on répond à un nouvel écrit des jésuites qui venait de paraître[2]. Il paraît qu’ils y prenaient le ton plaintif et grimaçaient le martyre dans ce langage patelin qui exaspère quand il est parlé par des gens menaçans et redoutables : « Notre société ne souffre qu’après le Fils de Dieu, que les pharisiens accusaient de violer la loi. Il est honorable aux jésuites de partager ses opprobres avec Jésus-Christ, et les disciples ne doivent pas avoir de honte d’être traités comme le maître. » La réponse de Pascal au nom des curés a un poids que sa parole ne pouvait avoir dans les Provinciales, et qui les accable.

« Voilà comme cette superbe compagnie tire sa vanité de sa confusion et de sa honte. Mais il faut réprimer cette audace tout à fait impie, d’oser mettre en parallèle son obstination criminelle à défendre ses erreurs avec la sainte et divine constance de Jésus-Christ et des martyrs à souffrir pour la vérité ; car quelle proportion y a-t-il entre deux choses si éloignées ? Le Fils de Dieu et ses martyrs n’ont fait autre chose qu’établir les vérités évangéliques, et ont enduré les plus cruels supplices et la mort même par la violence de ceux qui ont mieux aimé le mensonge. Et les jésuites ne travaillent qu’à détruire ces mêmes vérités et ne souffrent pas la moindre peine pour une opiniâtreté si punissable. Il est vrai que les peuples commencent à les connaître, que leurs amis en gémissent, que cela leur en ôte quelques-uns et que leur crédit diminue de jour en jour ; mais appellent-ils cela persécution ? Et ne devraient-ils pas plutôt le considérer comme une grâce de Dieu, qui les appelle à quitter tant d’intrigues et tant d’engagemens dans le monde que leur crédit leur procurait et à rentrer dans cette vie de

  1. Ces dix écrits se réduisent à neuf, si on compte pour un seul, comme on l’a fait depuis, les 3e et 4e, qui peuvent être considérés en effet comme un seul mémoire en deux parties. Le premier des dix est un factum, produit pour appuyer l’acte par lequel les curés de Paris dénonçaient l’Apologie des casuistes. Ce titre de factum n’aurait pas dû être donné aux autres dans les éditions. Il y a aussi un factum pour les curés de Rouen, et quelques autres pièces. Le 7e écrit (6e dans les éditions modernes ; coutient tout l’historique de cette lutte.
  2. Sentimens des jésuites, etc. On ne nous donne que les premiers mots du titre.