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les efforts faits par Pitt pour empêcher la formation d’un nouveau ministère et pour retirer sa démission. Mais ne devançons pas les événemens.


I

Nous sommes dans l’automne de 1800. Les chambres sont en vacances. Avant de se séparer, elles ont voté l’acte d’union, qui a été sanctionné le 2 juillet par le roi. La mesure est donc définitive, et le premier parlement du royaume-uni va se réunir au commencement de 1801. Le moment est venu pour Pitt de réaliser la seconde partie de son plan pour la pacification de l’Irlande. Les catholiques, ou du moins un certain nombre d’entre eux, ont donné leur appui à l’acte d’union. En échange, ils attendent les lois réparatrices qui leur ont été refusées jusqu’alors, mais que le premier ministre, le vice-roi, lord Cornwallis, et le secrétaire principal pour l’Irlande, lord Castlereagh, leur ont fait espérer. La question ne peut plus s’ajourner, elle se pose d’elle-même.

Il ne serait pas juste de dire que le cabinet avait attendu jusque-là pour commencer à s’occuper de l’émancipation des catholiques. Dans l’automne de 1799, au moment où le vote de l’acte d’union paraissait encore douteux, on avait parlé à diverses reprises de la nécessité d’assurer le concours des catholiques à la mesure projetée. Castlereagh, venu en Angleterre pour donner des renseignemens sur la situation de l’Irlande, avait assisté à plusieurs conseils de cabinet et avait naturellement soutenu les idées de Pitt, auxquelles les siennes étaient d’ailleurs parfaitement conformes. Aucune proposition précise n’avait été faite, mais tous les ministres avaient paru d’accord sur le fond de la question, et Castlereagh, esprit très froid et très pratique, peu enclin aux illusions, avait emporté de ces délibérations une excellente impression. Il ignorait, comme tout le monde, qu’un des membres les plus importans du cabinet s’était déjà engagé dans une voie opposée à celle du premier ministre par une démarche extrêmement imprudente, pour ne rien dire de plus.

On n’a pas oublié qu’en 1795 Grattan avait présenté au parlement irlandais un bill pour l’émancipation des catholiques. George III craignit, bien à tort, que son ministère ne soutînt la proposition, et il se préoccupa de la conduite qu’il aurait à tenir en pareil cas. Il consulta deux magistrats intègres et honorables, mais fort attachés à la suprématie de l’église protestante, le maître des rôles, lord Kenyon, et le procureur-général, sir John Scott., plus tard lord Eldon. Il leur demanda si son serment lui permettait de donner son assentiment à une mesure semblable. Connaissant les idées