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remplaça Castlereagh au ministère de la guerre et des colonies par le ministre de l’intérieur, lord Hawkesbury. Enfin, pour fortifier un peu ce faible cabinet, il y fit entrer comme ministre des affaires étrangères un homme de grande valeur, mais dont la réputation s’était faite principalement en dehors des débats parlementaires, lord Wellesley, récemment revenu de l’Inde, où il avait rempli avec éclat les fonctions de gouverneur-général. Lord Wellesley était l’aîné de cinq frères dont quatre firent une brillante carrière. Le troisième, qu’on appelait alors sir Arthur Wellesley, fut plus tard le célèbre duc de Wellington. Les Wellesley descendaient d’une famille anglo-irlandaise dont le nom patronymique était Cowley ; ils avaient hérité des biens de la famille Wesley, à laquelle ils étaient alliés, et, depuis cette époque, ils s’étaient appelés Cowley-Wesley. Le grand-père de lord Wellesley et du duc de Wellington devint pair d’Irlande sous le nom de Mornington ; son fils fut fait comte de Mornington. Enfin son petit-fils, Richard Cowley-Wesley, celui dont nous nous occupons en ce moment, devint marquis de Wellesley, en récompense de ses services dans l’Inde. Dès sa première jeunesse, il avait annoncé les plus brillantes dispositions. Il fut un des scholars les plus distingués d’Eton et d’Oxford. Ses vers latins, comme ceux de Canning, sont restés célèbres parmi les amateurs de ce genre de littérature. Après avoir rempli dans l’administration plusieurs emplois secondaires, il fut nommé à trente-huit ans gouverneur-général de l’Inde. C’était le poste qui convenait à ses aptitudes et à son caractère. Né pour commander, incapable de partager le pouvoir ou de s’astreindre à des concessions, il se considéra comme souverain temporaire, mais absolu de l’empire anglo-indien. Pendant sept ans, la compagnie des Indes et le ministère n’existèrent pas pour lui. Il entreprit, poursuivit et termina de grandes guerres sans en avoir même averti le gouvernement dont il était le mandataire. De temps en temps, on apprenait qu’il avait réuni aux possessions anglaises un pays plus grand que la France et plus peuplé que l’Irlande ; puis on restait pendant un an sans nouvelles. Après cinq ans de ce système, Wellesley avait doublé l’étendue de l’empire anglo-indien. Il avait rendu un autre service à son pays. Il avait donné à son jeune frère, Arthur Wellesley, un avancement qu’on trouva scandaleux. Grâce à ce passe-droit, le jeune officier révéla ses hautes qualités militaires, gagna la bataille d’Assaye et se prépara à ses campagnes contre Napoléon.

De tout ce qui précède, on conclura sans peine que Wellesley était plus fait pour gouverner despotiquement une nation de l’Orient que pour débattre des questions dans un parlement avec les représentans d’un pays libre. Aussi ne réussit-il jamais dans les ministères dont il fit partie. Ses habitudes d’autocratie lui