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cultivateurs à prêter à l’entreprise leurs champs et leurs bras ? » Et les autres habitans, propriétaires ou locataires de villas de plaisance, ne sont-ils pas excusables aussi bien que les cultivateurs de conserver quelque défiance, si des déclarations que nous venons de citer on rapproche le droit d’expropriation réclamé par la ville comme le seul moyen de venir à bout de l’ignorance et des préjugés tenaces des populations, et l’insuffisance probable des 1,500 hectares de la forêt de Saint-Germain ?

Enfin ces mêmes pages, si pleines d’enseignement, ne condamnent pas seulement les anciens projets : elles condamnent aussi, par une conséquence inévitable, ceux qu’aujourd’hui l’on veut exécuter. Établir que l’utilisation des richesses fécondantes charriées par les égouts s’impose comme une sorte de devoir national et conclure qu’il les faut perdre, cela peut paraître d’une étrange logique. Et c’est pourtant ce que fait la Note. Après l’éloge que nous avons cité de l’utilisation et des avantages, elle aboutit à cette conclusion formelle : « Donc avant tout la ville doit épurer ses eaux d’égouts ; » les épurer, c’est-à-dire les perdre simplement dans le sol comme des eaux sales dans un puisard. D’ailleurs, pour se convaincre que telle est bien la pensée de MM. les ingénieurs, point n’est besoin de cette franche déclaration. Il suffit de considérer la faible étendue des surfaces réclamées par le projet. Charger moins de 1,500 hectares d’absorber près de 90 millions de mètres cubes d’eau d’égouts, ce ne peut être de l’utilisation, puisque celle-ci exigerait « de 40 à 60,000 hectares. » Ce n’est point même de l’irrigation, c’est de l’épuration toute simple, à moins que ce ne soit de l’inondation. Nous disons 90 millions de mètres cubes parce que nous admettons que Gennevilliers continuera comme aujourd’hui d’employer environ la dixième partie des eaux vannes. Le débouché sur ce point ne pourra cependant que se restreindre. La Note, en effet, après avoir, à diverses reprises, constaté les inconvéniens causés à Gennevilliers par la « liberté absolue, laissée aux cultivateurs de prendre l’eau dans la mesure et au moment qui leur conviennent, » déclare qu’il faut enfin « qu’une sage réglementation sur l’emploi des eaux vienne mettre fin à des abus qui, en empêchant une épuration complète, pourraient devenir une cause d’insalubrité et d’incommodité aussi bien sur les territoires irrigués que sur ceux qui les entourent. » Cette sage réglementation pourra bien empêcher les cultivateurs d’employer en certains momens des quantités d’eau excessives, mais elle ne leur en fera point absorber dans les saisons où il ne leur convient point d’irriguer. La consommation de Gennevilliers diminuera donc par cela même, et l’ancien régulateur héritera de la presque totalité des eaux de Paris.