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Parviendra-t-il du moins à les épurer tout entières, et aura-t-on assuré la désinfection de la Seine ? C’est ce dont il est au moins permis de douter. Que fera-t-on du débit des égouts aux époques où la terre gelée ou déjà saturée d’eau du ciel refusera de l’absorber ? N’est-ce pas encore à la Seine qu’il faudra l’envoyer se perdre ? Nous venons de voir d’autre part qu’à Gennevilliers l’abus de l’irrigation a souvent compromis l’épuration : or la moyenne de cette irrigation était de 37,000 mètres cubes par hectare et par an. Elle sera à Saint-Germain de 60 à 70,000 mètres cubes ; pour affirmer que le sol, accablé de cette masse liquide et imperméabilisé dans un avenir plus ou moins prochain par le feutrage ou par la saturation, ne refusera pas son service soit comme filtre, soit comme épurateur, on ne s’appuie que sur des hypothèses ou sur des expériences de laboratoire, qui, lorsque l’on passe à la pratique, font naître trop souvent de terribles désillusions.

Mais ce qui est certain, c’est qu’aux portes de Paris, au milieu même d’une contrée de villégiature et de luxe, on aura créé un centre d’émanations fétides et malsaines. En déversant chaque année sur le sol une couche d’eaux vannes épaisse de 6 à 7 mètres, c’est-à-dire douze ou quatorze fois supérieure comme volume à la couche de 0m,50 environ que produit l’eau du ciel, on constitue les élémens d’une stagnation d’autant plus inévitable que les immondices qui chargent ces eaux en rendent l’absorption plus laborieuse. On crée de gaîté de cœur, dans un délai plus ou moins prompt, une sorte de marais artificiel ; et l’on peut juger quelles en seront les émanations, quels en seront les effets, si l’on songe aux matières qui s’y déposeront, si l’on songe surtout qu’aux élémens actuels d’infection s’ajouteront un jour les produits des deux cent trente six mille fosses de Paris. Ainsi, tandis qu’à Gennevilliers on parle de « réglementer » les causes d’insalubrité et d’incommodité, on se prépare à transporter à Saint-Germain ces mêmes causes dans des conditions dix fois plus redoutables ! Tandis qu’en tous pays, aux environs des villes, on reboise dans l’intérêt de la santé publique les endroits bas et marécageux, on s’apprête à côté de la capitale et au sein d’une contrée populeuse et opulente, à déboiser une surface énorme pour l’inonder incessamment d’immondices liquides !

Ce qui est bien certain aussi, et ce qu’il nous importe de retenir, c’est qu’on se condamne à perdre absolument la richesse qu’on devait restituer à la terre. Les projets de 1875, on l’avoue aujourd’hui, avaient le tort grave de n’utiliser que pour 4,000 hectares ce qui pouvait faire la fortune de 40,000. Maintenant on ne l’utilise plus du tout. Les 1,500 hectares consacrés à l’épuration ne pourront porter aucune culture sérieuse. Ils ne pourront