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majorité deviendrait maîtresse de fermer la bouche à ses adversaires suivant son bon plaisir : la liberté de la discussion ne serait plus qu’une tolérance. Une discussion extrêmement vive s’engagea aussitôt ; nombre d’orateurs, tout en se défendant de vouloir excuser les personnalités auxquelles s’était livré M. O’Donnell, protestèrent contre une dangereuse innovation. M. Gladstone dut s’incliner devant les répugnances manifestes de la chambre et retirer sa motion. M. O’Donnell annonça, de son côté, que pour donner à sa discussion un caractère absolument régulier, il présenterait une motion. Quand il en remit le texte entre les mains du président, celui-ci profita de quelques vices de rédaction pour déclarer la motion non recevable, et l’affaire en demeura là.

Pendant ce temps, la chambre des lords discutait la seule mesure importante que le gouvernement lui eût soumise, le bill sur les inhumations, annoncé dans le discours royal. De grands efforts furent faits pour triompher des répugnances des membres de l’épiscopat et des anglicans zélés. Deux prélats connus pour leurs idées libérales, l’archevêque de Cantorbery et l’évêque de Londres, donnèrent une aide efficace au gouvernement, qui reçut aussi l’appui de lord Derby. La seconde lecture fut votée à la majorité de 126 voix contre 101 ; lorsqu’il s’agit de procéder à la troisième lecture, lord Beaconsfield usa de son influence sur son parti pour faire cesser toute opposition ; il fit remarquer que les deux archevêques et huit évêques s’étaient ralliés à la mesure du gouvernement, et à son avis, il n’appartenait pas aux laïques de se montrer plus rigoristes que leurs guides spirituels. Le bill fut donc adopté ; seulement on y avait introduit divers amendemens proposés par lord Mount-Edgecumbe et l’archevêque d’York. Le plus important de ces amendemens limitait les effets du bill aux localités où il n’existait pas d’autre lieu d’inhumation que le cimetière paroissial. Bien qu’il eût été transmis dès le 12 juin à la chambre de communes, le bill n’y fut mis en discussion que le 12 août. Il y fut voté à une majorité considérable. L’amendement introduit par lord Mount-Edgecumbe fut repoussé par les communes et ne fut pas maintenu par les lords ; mais ce fut en vain que les radicaux essayèrent de faire supprimer l’interdiction de procéder à une inhumation les dimanches et jours de fêtes religieuses, et voulurent substituer à l’expression de a services chrétiens et décens, » qui désignait les services dont la célébration était autorisée, les mots « services chrétiens et autres services décens, » qui auraient permis d’imposer l’inhumation d’un libre penseur en terre consacrée. Les dissidens firent cause commune sur ce point avec les membres de l’église établie et ne se montrèrent pas moins ardens à repousser cet amendement. La chambre des lords adhéra aux modifications