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avec une organisation qui lui interdit toute pratique administrative, ne fasse qu’un administrateur des plus médiocres, nous ne voulons pas le contester ; mais qu’il ne puisse par la pratique acquérir, dans la direction du service médical, les aptitudes et la compétence des intendans et des comptables, c’est ce que nous ne saurions admettre. On a parfaitement compris à l’étranger que, pour qu’il puisse être en temps de guerre le chef unique du service médical, il fallait que le médecin pût en temps de paix se préparer à ce rôle difficile. Aussi verrons-nous tout à l’heure que, si, dans la plupart des armées, les hôpitaux sont dirigés en temps de paix par le médecin en chef avec le concours d’une commission consultative que ce médecin préside, l’Allemagne et l’Angleterre, en particulier, ont supprimé ces commissions et attribué, en temps de paix, même au médecin la direction absolue de l’hôpital, afin de lui donner l’expérience dont il aura besoin en temps de guerre. Nos collègues de l’armée française, lorsqu’on leur en donnera les moyens, sauront acquérir par la pratique et par l’expérience ces qualités d’administrateur qu’ont su acquérir nos collègues anglais, allemands, russes, autrichiens, etc.

Après avoir dit qu’il était convaincu « qu’il n’y aurait aucun inconvénient, au moins pendant le temps de paix, à confier aux médecins la direction du service de santé à l’intérieur, » M. le ministre, craignant sans doute d’avoir outre-passé son programme, ajoute : « Cependant, messieurs, permettez-moi de vous faire observer qu’en définitive les administrations municipales ne confient pas aux médecins la direction de leurs hospices. Pourquoi donc le ferait-on pour les hôpitaux militaires ? .. En vérité, je me demande pourquoi nous confierions aux médecins la direction de nos hôpitaux, quand il n’y a pas un exemple d’un hôpital civil dirigé par un médecin. »

Ici, M. le ministre commet une erreur de fait, puisqu’on France même, la plupart de nos asiles d’aliénés sont dirigés et administrés par les médecins en chef et qu’un grand nombre d’hôpitaux civils en Allemagne, en Autriche, en Russie sont sous la direction du médecin. M. le ministre ignore-t-il donc que les médecins civils français se plaignent, comme leurs collègues de l’armée, de ce que le médecin n’a pas une part assez grande dans l’organisation et le fonctionnement des hôpitaux ? D’ailleurs, peut-on comparer la situation de deux médecins chargés d’un service, l’un dans un hôpital civil, l’autre dans un hôpital militaire, quant à leurs rapports avec l’administration de l’hôpital ?

Le médecin civil, dans la plupart de nos plus grandes villes, doit sa place au concours, ce que lui donne déjà un haut degré