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gouvernemens avaient prétendu respecter ? C’est pourtant, comme on va le voir tout à l’heure, ce qu’a fait la cour d’appel d’Alexandrie. Mais, pour achever la discussion des textes sur lesquels elle a appuyé ses empiétemens, il nous reste à montrer le parti qu’elle a su tirer de l’article 12 du code civil. Cet article est ainsi conçu : « Les additions et modifications aux présentes lois seront édictées sur l’avis conforme du corps de la magistrature, et au besoin sur sa proposition. Mais pendant la période quinquennale aucun changement ne devra avoir lieu dans le système adopté. » Cet article n’est pas rédigé plus clairement que l’article 11 du règlement judiciaire. Ne faut-il pas néanmoins en forcer les termes de la manière la plus violente pour en conclure que le gouvernement égyptien ne saurait faire aucune loi politique, aucun règlement financier, sans l’assentiment du corps de la magistrature ou des quatorze puissances qui ont adhéré à la réforme ? Comme nous le disions il y a un moment, cette réforme ne saurait en rien étendre les privilèges accordés aux Européens par les capitulations ; or où a-t-on vu dans les capitulations, que les puissances étrangères pussent s’ingérer dans la législation des états musulmans pour empêcher, par exemple, ces états de réduire l’intérêt de leur dette, d’en opérer l’unification ou la conversion ? On a beaucoup abusé des mots u système adopté » introduits dans l’article 12 du code civil ; on a prétendu qu’ils interdisaient au gouvernement égyptien de faire de sa propre et seule autorité une loi quelconque, attendu que toutes les lois peuvent modifier plus ou moins directement le système adopté. Ici l’élasticité des mots a donné naissance aux plus étranges abus. S’érigeant en parlement de l’ancien régime, la cour d’appel d’Alexandrie s’est faite la maîtresse absolue, le juge suprême des lois. En supposant même que l’article 11 du règlement d’organisation judiciaire et l’article 12 du code civil eussent eu dans la pensée de ceux qui les avaient rédigés toute la portée qu’on leur a attribuée, la conduite de la cour n’en eût pas moins constitué un empiétement déplorable. D’après tous les textes que nous venons de citer, ce n’est pas à elle qu’il appartiendrait de décider si telle ou telle mesure prise par le gouvernement égyptien blesse ou ne blesse pas les privilèges que le droit conventionnel assure aux étrangers établis en Égypte. Chaque fois qu’une mesure de ce genre lui est soumise, elle devrait, comme l’expliquaient les dépêches françaises, se déclarer incompétente. La diplomatie s’emparerait alors de l’affaire et la traiterait dans des négociations suivies avec le gouvernement égyptien. Il est impossible de trouver, soit dans les conventions internationales, soit dans le code, soit dans les dépêches diplomatiques qui servent de commentaire aux conventions et au code, une ligne, un mot justifiant la double prétention de la cour : premièrement de juger