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déserté. Le séjour à Paris n’avait pas arrêté la désertion, et les malades étaient toujours en très grand nombre. On a une curieuse lettre du conseiller de Lucerne, où il se plaint que les officiers de Lucerne n’aient pas encore envoyé d’argent à leurs familles, comme avaient déjà fait ceux de Fribourg et de Soleure. Pfyffer et les officiers de Lucerne répondent qu’on n’a rien envoyé parce que les routes ne sont pas sûres et que l’argent tomberait aux mains des huguenots. La paix de Longjumeau mit fin à une campagne où les Suisses n’avaient pu recueillir aucune glouje. Parmi les causes qui déterminèrent la paix, Pfyffer fait sonner très haut la, conduite des reîtres allemands de l’armée royale. Beaucoup de ces reîtres, dit-il, étaient de la nouvelle religion, et toutes sortes d’intelligences s’étaient établies entre eux et les soldats du palatin qui avaient grossi l’armée de Condé. Reîtres royaux et reîtres de Condé avaient à l’envi saccagé le royaume, et si la guerre eût duré plus longtemps, la famine eût été universelle. Le régiment suisse cantonné à Villeneuve-Saint-Georges fut décimé par les maladies jusqu’au moment où on le licencia. Dix enseignes seulement restèrent en France.


III

La paix de Longjumeau, imposée par la fatigue et le dégoût, ne pouvait être qu’une courte trêve : Condé et la reine avaient donné au royaume le temps de respirer, mais les meneurs des deux partis étaient mécontens. Coligny n’avait pas déguisé sa mauvaise humeur, Le roi de France demanda quatre mille hommes aux cantons pour faire un gros régiment ; un peu plus tard il demanda que l’on fît non plus un seul régiment suisse de dix mille hommes, mais deux régimens de 6,000 hommes chacun. On se contenta cependant de porter à ce chiffre le régiment Pfyffer, et avec quatre mille hommes de nouvelles levées, on fit un second régiment qui fut commandé par Cléry, de Fribourg.

Condé s’était retiré à Noyers, en Bourgogne, une forteresse placée au centre de quantité de maisons huguenotes. D’Andelot était à peu de distance, dans son château de Tanlay. Condé et Coligny partirent ensemble de Noyers, le 23 août, pour recommencer la guerre ; ils se dirigèrent sur la Rochelle, où ils arrivèrent le 20 septembre. On attendait des renforts de la reine Elisabeth et du duc des Deux-Ponts. La reine de Navarre s’était jointe aux insurgés, et la lutte devait cette fois avoir pour théâtre le pays au sud de la Loire. Dès le 10 août, trois enseignes du régiment suisse avaient été envoyées à Orléans ; peu de jours après, le reste suivit, et l’armée royale se concentra autour de cette ville. Le duc d’Anjou, qui la commandait, passa par Blois et Amboise ; il rencontra à Châtellerault