Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/612

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’institution le 15 et le 25 octobre. Cinq juges à Paris, six conseillers à Lyon étaient écartés ou admis à la retraite. L’exclusion frappait environ un cinquième dans chaque compagnie. C’était trop à nos yeux, mais trop peu au gré des passions de ce temps.

Depuis quelques jours à peine était assemblée la nouvelle chambre que Louis XVIII avait qualifiée dans un mouvement de joie malicieuse et que l’histoire devait nommer après lui « la chambre introuvable. » Élus dans un accès d’enthousiasme royaliste, les députés apportaient dans leurs cœurs les sentimens les moins politiques : la colère et le désir de la vengeance. A leurs yeux, la charte était une concession arrachée à la faiblesse, le retour triomphant de l’île d’Elbe une conspiration que la tolérance du roi avait soufferte, et qui du moins devait éclairer les vrais amis de la monarchie sur la nécessité de renoncer aux demi-mesures et aux pardons. Il avait suffi des élections pour faire tomber du pouvoir les Talleyrand, les Gouvion-Saint-Cyr et les Pasquier ; ce n’était, à les entendre, qu’un premier pas : il fallait chasser tous ceux qui avaient servi l’usurpateur. Une épuration sévère, portant sur toutes les administrations, était le premier devoir que rassemblée eût la mission d’imposer à la clémence un peu débonnaire du roi. On venait de voir des exemples de sa faiblesse. Non-seulement on n’avait pas remanié la cour de cassation, qui avait salué, au lendemain même de l’investiture royale, l’usurpation du 20 mars, mais l’institution venait d’être accordée à la cour de Paris et par le nouveau ministère au tribunal de la Seine et à la cour de Lyon, sans que des membres indignes, couverts par la possession, en eussent été chassés. Ce n’était point seulement une faiblesse, c’était un défi. La chambre devait le relever.

Telles étaient les pensées qui agitaient la majorité des députés et dont M. Hyde de Neuville se fit l’organe ; il annonça, dès le 23 octobre, qu’il comptait user de son initiative pour demander la réduction des tribunaux. Sa proposition, développée à la tribune le 3 novembre, avait au fond une tout autre portée. La diminution du nombre des magistrats n’était, alors comme aujourd’hui, qu’un prétexte, l’épuration poursuivie par un parti politique au profit de ses passions était le but. Le cabinet ne pouvait s’y tromper ; il était résolu à ne point devenir l’instrument des vengeances et se prépara à résister.

M. Hyde de Neuville avait proposé de réduire les cours royales d’un tiers et les tribunaux de moitié. Il soutenait qu’en 1789, pour remédier à la trop grande étendue du ressort des parlement qui donnait lieu à des « abus peu importans, » on s’était précipité dans un excès contraire ; qu’on avait multiplié les sièges pour donner satisfaction à la « manie des places, » qui est un des maux inséparables de la tyrannie.