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convient de faire prévaloir la méthode d’analyse, l’étude des sources, l’esprit critique, le sens du détail. Telle est la tâche du professeur, tout au moins dans son cabinet d’étude. À ce prix, il deviendra homme de science et d’enseignement à la fois. Nous savons bien qu’il ne saurait enseigner sans l’emploi des vues d’ensemble, qui seules peuvent aider à résumer les faits ou à faire comprendre le lien des événemens. Nous ne nous élevons pas contre ces idées générales, logiques et puissantes expressions des plus hautes vérités, et dont s’est inspiré, après le génie classique, le génie français en particulier : ce serait récuser notre propre grandeur, ce serait étouffer l’enseignement. Nous voulons dire que ces idées veulent être entretenues et ravivées sans cesse par l’étude, sous peine de se réduire à l’état de formules inertes ou dangereuses. Il en est ainsi dans l’enseignement. Le professeur doit édifier sur une étude attentive les conclusions générales qu’il met en œuvre, et il doit habituer les jeunes esprits à rechercher les causes avec patience et méthode : ainsi seulement il peut espérer de les forger et de les dresser.

La leçon de thèse est suivie d’une argumentation faite par un des concurrens, qu’a désigné le sort. Les juges peuvent intervenir, et poser à l’un ou l’autre candidat des questions ou des objections. C’est une épreuve intéressante, qui peut mettre en lumière des qualités d’esprit imprévues et même inconscientes ; elle a le mérite particulier d’être une sanction de plus au travail des thèses.

Thèse et argumentation sont suivies d’une leçon d’histoire sur un sujet tiré au sort depuis vingt-quatre heures, exercice tout pratique, où il convient d’apporter avant tout les qualités propres à l’enseignement secondaire. C’est là, comme dans les compositions écrites, qu’il faut se montrer habile à dresser un cadre, à bien disposer les matières, à presser la conclusion, à tirer d’un usage discret des vues générales une sage distribution de la lumière.

Le concours se termine par une leçon de géographie. Ce n’est pas l’épreuve la moins utile de toutes ni la moins embarrassante. Nul ne conteste l’utilité d’une science qui comporte avec elle tout un cortège de connaissances à peu près indispensables à l’homme moderne. Les programmes universitaires groupent, avec raison, autour de la géographie physique ce qu’on appelle la géographie administrative, politique, économique, bien d’autres choses encore. Nous sommes loin de nous en plaindre : l’activité d’esprit de notre société réclame tant d’informations diverses ; mais il faut avouer que le maître intelligent, soucieux de bien répartir les matières d’enseignement en raison de la capacité des esprits, est mis à une difficile épreuve. De quel considérable bagage l’enseignement historique, dont celui-ci n’est qu’une annexe, ne se trouverait-il pas chargé si l’on n’y prenait garde ! Quelle mesure et quel tact ne faut-il