Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/681

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’on espérait faire porter au budget extraordinaire de 1880. L’occupation de Bafoulabé fut décidée comme la première étape vers le Niger et la construction d’un poste fortifié en cet endroit comme le premier de la chaîne qui reliera ce fleuve au Sénégal. Le lit de ce dernier est fort encombré au-dessus de Médine et ne peut fournir une voie de communication régulière même au moment des hautes eaux. Pour suppléer à cette ressource, le gouvernement résolut de relier Bafoulabé à Médine par une route construite de façon à devenir plus tard la plate-forme eu chemin de fer ; une ligne télégraphique devait, en outre, le mettre en relation avec le chef-lieu de la colonie. L’autorisation d’agir fut expédiée tardivement, comme nous l’avons dit. Les envois de matériel et de personnel furent faits plus tardivement encore ; les moyens de transports étaient insuffisans, les travailleurs manquaient ; n’importe, fort, route, télégraphe, tout fut entrepris et mené de front ; on fit des prodiges avec les faibles ressources de la colonie et on parvint, sinon à réaliser tout le programme, du moins à en exécuter deux points sur trois.

La première chose à faire était de reconnaître le pays dans lequel on allait agir. Pour l’intelligence de ce qui va suivre, il est nécessaire de rappeler en quelques mots l’histoire d’El-Hadj-Omar. Cet homme extraordinaire naquit à la fin du siècle dernier dans le Fouta sénégalais. Un voyage à la Mecque, qui dura plusieurs années, lui acquit une grande réputation de sainteté parmi les musulmans, et nous le trouvons vers 1850 établi sur la frontière du Fouta-Djallon, où son renom lui avait attiré une troupe de disciples assez nombreuse pour qu’il ait pu songer à s’en faire une armée. C’est à cette époque, c’est-à-dire lorsqu’il touchait déjà à la vieillesse, qu’il commença ses conquêtes. Il appela les musulmans à combattre les infidèles qui avaient encore la prépondérance dans la vallée du haut Niger et dès lors ne s’arrêta plus. Son système de guerre l’obligeait, du reste, à une offensive continue. Quand il avait occupé un pays, il y séjournait généralement tant qu’il y trouvait des vivres : comme il détruisait impitoyablement toutes les populations qui lui résistaient, les ressources, une fois épuisées, ne se renouvelaient plus, et il lui fallait aller plus loin. Pendant quinze ans, il dévasta ainsi, un district après l’autre, tout le pays compris entre le Sénégal et le Niger, les montagnes de Kong et Tombouctou. Les vieilles monarchies païennes du Kaarta et du Segou et l’empire musulman plus récent du Macina tombèrent successivement sous ses coups. Quand il avait pris un village, il faisait couper le cou à tous les hommes ; les femmes et les enfans étaient réduits en esclavage ; ce qui ne pouvait être emporté était incendié avec les cases. Les malheureux mêmes qui se