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œuvres qu’il a tenu à commencer son ouvrage. Il s’agit des fragmens d’une métope qui fut trouvée à Olympie par l’architecte Blouet, pendant l’expédition de Morée, et qui est aujourd’hui au Louvre. Elle représente Héraclès domptant le taureau crétois. M. Rayet ne la trouve pas inférieure aux métopes du Parthénon : je crois même qu’au fond il la préfère. « Nous sommes loin, dit-il, d’avoir assez de monumens de l’art grec du Ve siècle pour pouvoir, avec certitude, distinguer les diverses écoles et marquer les qualités propres de chacune : il semble bien cependant permis d’affirmer, dès aujourd’hui, que les sculpteurs du Péloponèse ont eu plus de puissance et d’ampleur que les artistes de l’Attique, particulièrement épris de la grâce et soigneux du détail. »

Phidias, pourtant, reste toujours le maître des maîtres. Il est représenté, dans cette livraison de M. Rayet, par un de ses chefs-d’œuvre, le groupe de Demêter et de Coré. que possède le British Muséum. M. Rayet explique, commente ce groupe merveilleux, il en fit ressortir la simplicité, le naturel, l’élégance, et il termine par ces paroles : « L’homme qui a tiré du marbre ces divines figures n’a pas encore, après vingt-trois siècles, trouvé son égal, et ses œuvres inspirent à qui les regarde les mêmes sentimens d’étonnement et de respect que, dans l’hymne homérique, les immortels éprouvent à la vue d’Athéna s’élançant armée au milieu d’eux. » A côté de ces chefs-d’œuvre, M. Rayet fait une place à ce que nous pouvons appeler l’art industriel chez les Grecs, Il a reproduit deux plaques estampées en terres cuites, dont l’une représente un convoi funèbre. Enfin, il s’est bien gardé d’omettre ces charmantes figurines de Tanagra, qui sont si recherchées depuis quelques années. Personne n’en peut parler avec plus de compétence que lui : il a eu la chance heureuse, dans ses voyages, d’être un des premiers à les connaître et à les faire connaître au public, il les a vues sortir de terre avec l’éclat de leurs couleurs véritables, il a rapporté lui-même et possédé, dans sa collection, quelques-unes des plus belles. Celles qu’il reproduit dans son ouvrage sont des merveilles d’élégance et de vérité.

L’Égypte aussi figure dans sa première livraison. Il y a reproduit une tête de scribe, de la quatrième ou de la cinquième dynastie, d’un réalisme expressif, et diverses statuettes en bois qui représentent un prêtre, une femme et un soldat. C’est M. Maspéro qui s’est chargée des notices explicatives. Il s’est d’abord demandé pourquoi les statues de ce genre se rencontrent si fréquemment dans les tombeaux. Elles n’étaient pas faites pour conserver à la famille le souvenir du mort, puisqu’on les enterrait avec lui, qu’elles étaient placées dans des salles étroites, sans jour, murées, et que personne ne pouvait plus les revoir. M. Maspéro leur attribue une autre destination. Les Égyptiens, nous dit-il, se faisaient de l’âme humaine une idée assez grossière. Ils la considéraient comme une reproduction exacte du corps de chaque individu. Ce double, comme ils l’appelaient, avait toutes les infirmités