Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 42.djvu/826

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


À Toulouse, ce 7 mars.

Je devrois vous bouder, madame, il sort de chez vous un écrit admirable et vous ne me l’envoyés pas. Quelques personnes en reçoivent des exemplaires, et je suis obligé d’avoir recours à elles pour le lire, nos libraires ne l’ayant pas encore reçu. Il contient un détail clair et simple de ce qui a été fait. L’emphase n’est emploiée que pour relever les petites choses et jamais on n’en eut moins de besoin ; aussi n’y en a-t-il d’aucune espèce. M. Necker annonce de plus grandes choses encore et qui exigent plus de combinaisons : la gabelle, les traités extérieurs, etc. Tel est l’effet de la force de la vérité portée à l’évidence que je regarde M. Necker comme placé sur un rocher immense contre lequel tous les flots de la mer viendront se briser. Je le souhaite et je l’espère ainsi, bien plus comme citoyen que comme votre ami. Ce que j’admire le plus n’est pas ce qu’il a fait, mais, pour me servir d’une de ses expressions, c’est la mesure qu’il y met. Je suis bien de son avis, c’est une excellente réponse aux libelles. Je ne pourrois trop vous parler de l’effet admirable que cet écrit a fait. M. l’archevêque de Toulouse en a été attendri jusqu’aux larmes et cette impression s’est soutenue après plus d’une lecture. J’aime bien le compte qu’il rend des hôpitaux et des prisons, etc. Je suis parfaitement de son avis surtout ce qu’il contient, Tout ceci va bien prêter à l’éloquence de M. Burke et doit faciliter une paix brillante et solide.

J’ai l’honneur d’être avec respect, madame, votre très humble et très obéissant serviteur.

L’évêque de Mirepoix.


De toutes ces lettres les plus agréables sont celles de l’archevêque d’Aix, qui sentent l’académicien et l’homme du monde autant que le prélat, et c’est un trait de mœurs curieux que cette correspondance fréquente entre un évêque de l’ancien régime et une protestante. M. de Boisgelin venait volontiers à Paris, et durant ses longs séjours un goût très vif l’attirait vers Mme Necker. Mais parfois, comme s’il eût éprouvé la crainte que sa présence ne jetât quelque gêne dans un salon où la liberté des conversations était grande, il se tenait sur la réserve et adressait en ces termes à Mme Necker l’expression de ses regrets :


Il y a bien longtems, madame, que je n’ay eu l’avantage de vous faire ma cour. J’y ai mis, je le sens bien, une sorte de réserve et j’ay