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Blocqueville a été, à notre avis, fort bien inspirée par sa piété filiale. La meilleure manière de dissiper les dernières fausses opinions qui peuvent être restées dans le public sur les événemens de Hambourg est assurément de mettre le lecteur à même de constater la différence entre les mesures ordonnées à Davout et celles qu’il se borna à exécuter. Le 13 mai 1813, deux dépêches de Berthier, l’une chiffrée, l’autre qui ne l’était pas, arrivèrent en même temps à Davout. Toutes deux contenaient les mêmes ordres, mais il y avait entre elles cette différence que celle qui était sans chiffres était rédigée en termes relativement modérés et que les instructions de celle qui était chiffrée étaient de la plus impitoyable dureté. Cette dépêche est un document des plus singuliers par le mélange de terrorisme et de jésuitisme (nous prenons ce mot dans l’acception vulgairement admise) qui en fait le fond. Napoléon imposait à Davout d’agir non-seulement avec violence, mais avec duplicité. Le jour où il dicta cette dépêche est certainement un de ceux où il s’est le plus souvenu qu’il était par ses origines du pays de Machiavel. La voici, diminuée de tout ce qui est relatif aux choses purement militaires. Les passages qu’on y lira soulignés le furent par le maréchal même lorsqu’il eut à préparer son Mémoire justificatif pour le roi Louis XVIII.


Vous ferez arrêter sur-le-champ tous les sujets de Hambourg qui ont pris du service sous le titre de sénateurs de Hambourg. Vous les ferez traduire à une commission militaire, et vous ferez fusiller les cinq plus coupables. Vous enverrez les autres sous bonne escorte en France, pour être retenus dans une prison d’état. Vous ferez mettre le séquestre sur leurs biens, et vous les déclarerez confisqués. Le domaine prendra possession des maisons, fonds de terre, etc.

Vous ferez désarmer la ville, YOUS ferez fusiller tous les officiers de la légion anséatique, et vous enverrez tous ceux qui auront pris de l’emploi dans cette légion en France pour y être mis aux galères.

Dès que nos troupes seront arrivées à Schwerin, vous tâcherez, sans rien dire, de vous saisir du prince et de sa famille, et vous l’enverrez en France dans une prison d’état, ce prince ayant trahi la confédération. Vous en agirez de même à l’égard de leurs ministres.

Vous ferez une liste des rebelles, des quinze cents individus de la 34e division militaire les plus riches et qui se sont le plus mal conduits ; vous les ferez arrêter, vous ferez mettre le séquestre sur leurs biens dont le domaine prendra possession. Cette mesure est surtout nécessaire dans l’Oldenbourg.

Vous ferez mettre une contribution de 50 millions sur les villes de Hambourg et de Lubeck. Vous prendrez des mesures pour la répartition de cette somme, et pour qu’elle soit promptement payée.