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projet ne repose sur aucune base ; ni la dignité ni la fatigue ne peuvent faire repousser ce système.

Il faudrait, en vérité, s’entendre et pour cela discuter sans réticences. Que veulent les adversaires du projet ? qu’espèrent-ils ? Conserver indéfiniment sous leur forme actuelle les tribunaux d’arrondissement. Il n’y faut plus songer. De tous côtés, les critiques s’accumulent. Parmi les magistrats, comptez ceux qui défendent l’état actuel sans changemens d’aucune sorte ; vous serez frappés de leur isolement. La plupart se moquent « des juges ambulans » et cherchent par une plaisanterie à esquiver la discussion. Il faut cesser ce piétinement dans lequel les forces s’usent, et se mettre en marche. Prendre un parti, le prendre vite, montrer aux intérêts menacés qu’on entend les épargner, qu’on est aussi résolu à leur donner des garanties qu’à rendre aux magistrats, avec un labeur convenable, une dignité que l’oisiveté compromet, voilà la seule conduite à tenir.

Nous avons montré qu’on ne pouvait songer à détruire le centre judiciaire de l’arrondissement, que le juge de paix isolé était insuffisant, que les assises des juges de paix n’étaient pas encore entrées dans nos mœurs, qu’un système mixte rapprochant sur l’ancien siège les élémens irréductibles du tribunal, et un juge de paix voisin sous la présidence d’un juge de département présentait toutes les garanties, qu’il avait ce rare mérite de pouvoir être établi sur-le-champ sans que les populations, si intéressées à la solution pacifique d’un tel problème, ressentissent, le jour de la mise en marche des nouveaux rouages, le moindre trouble dans leurs habitudes ; avocat, avoué, juge, parquet, le justiciable trouve tout, auprès de lui, comme par le passé. Les villes continuent à être le chef-lieu d’une circonscription judiciaire : elles perdent trois magistrats ; mais la situation de ceux qui restent est accrue, et le mouvement des affaires reste le même. L’état réalise une économie qui lui permet de rémunérer plus dignement les services et, tandis que la réforme judiciaire, menaçant d’alourdir les frais, devait lui coûter, en diminuant les procès et les produits de l’enregistrement, il se trouve en mesure de faire mieux sans grever le budget. La magistrature en recueillera des avantages considérables ; elle verra les compagnies nouvelles jouir d’une situation que n’ont jamais connue les tribunaux d’arrondissement. Enfin les divisions judiciaires, entrées dans les mœurs, ne seront pas bouleversées.

Ainsi les abus sont corrigés sans que rien dans nos lois, rien dans nos usages soit changé. Nous nous souvenons de bien des réformes accomplies dans le passé. Nous n’en connaissons aucune qui ait pu se faire, comme celle-ci, en satisfaisant tous les intérêts.

Faut-il réduire le nombre des cours d’appel ? Beaucoup de gens le pensent. Nous ne souhaitons pas actuellement une telle réforme.