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et le 1er avril 1875 elle atteignit le chiffre, alors sans précédent, de 1,525 millions. Or, bien que la Banque eût été autorisée par une loi à porter ses émissions jusqu’à 3,200 millions, le chiffre maximum des billets en circulation a été seulement de 2,916 millions. On pourrait donc dire que la Banque de France n’a jamais cessé d’être dans les conditions normales d’un établissement de crédit, puisque son encaisse n’est jamais descendue au-dessous du tiers de sa circulation, et que le cours forcé attribué à ses billets a été une précaution surérogatoire. On serait d’autant plus fondé à le penser, que le maximum des émissions a été atteint le 15 janvier 1874, date à laquelle les besoins extraordinaires avaient depuis longtemps cessé, puisqu’en 1873 la Banque avait pu faire face, sans difficulté aucune, à un chiffre d’escompte qui, pour les seuls effets de commerce, en laissant en dehors les effets publics, atteignait près de 9 milliards. À cette époque, la Banque faisait déjà des efforts impuissans pour remettre en circulation une partie de cette vaste accumulation de numéraire et pour réduire l’importance de son émission ; chaque fin de mois ramenait dans ses caves, avec une augmentation nouvelle, les espèces qui en étaient sorties. Si la suppression légale du cours forcé passa inaperçue, c’est qu’elle était depuis longtemps accomplie en fait. Le commerce français n’avait jamais eu ni de difficultés à surmonter ni de sacrifices à faire pour se procurer les espèces métalliques nécessaires au règlement de ses opérations avec l’étranger.

Les États-Unis et le royaume d’Italie, indépendamment des emprunts qu’ils ont dû contracter, se sont vus dans la nécessité de créer et de mettre en circulation un papier-monnaie, de véritables assignats sans autre valeur et n’ayant d’autre garantie que la bonne foi nationale. La cause de ces embarras financiers a été, pour tous les deux, la nécessité de faire face à des dépenses militaires excessives. La guerre de la rébellion a imposé aux États-Unis une dette d’environ 16 milliards, dont près de 5 milliards en assignats ou greenbacks. L’Italie, avec un budget dont elle n’éteignait les déficits que par des emprunts périodiques, s’est trouvée absolument hors d’état d’acquitter avec ses ressources ordinaires les dépenses de la guerre de 1866 contre l’Autriche. Les seuls préparatifs de cette guerre ont suffi à l’épuiser, et dès le mois de mai 1860, elle a dû recourir au cours forcé pour maintenir dans la circulaire les billets des établissemens de crédit dont le gouvernement avait absorbé les encaisses. Il a fallu ensuite émettre, par l’intermédiaire de ces mêmes établissemens de crédit, pour plus d’un milliard de papier-monnaie. Aux États-Unis comme en Italie, l’émission d’un papier-monnaie avec cours forcé a eu pour conséquence immédiate la disparition rapide et complète des métaux précieux,