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une augmentation égale à l’augmentation apparente qui s’est produite dans le prix de toutes choses. Non-seulement le bénéfice obtenu s’évanouit ; mais tout, salaires, loyers, produits naturels ou produits fabriqués, demeure assujetti à suivre toutes les variations de l’agio, à monter et à baisser capricieusement, en sorte que le bénéfice de la veille peut devenir une perte dès le lendemain. La perturbation que cette perpétuelle incertitude jette dans les conditions de la production nationale fait plus que compenser les avantages précaires que quelques particuliers peuvent retirer accidentellement du renchérissement des marchandises qu’ils ont en magasin.

L’abolition du cours forcé rencontre peu de faveur parmi les industriels. Ceux-ci appréhendent que, la substitution des espèces au papier étant, par le fait, une véritable augmentation des salaires, elle ait pour conséquence une augmentation dans les frais de production et que la concurrence étrangère en soit d’autant plus difficile à soutenir. On a peine à comprendre ce raisonnement. Il est certain que l’ouvrier italien qui recevra pour sa journée trente sous en argent, au lieu de trente sous en papier qu’il reçoit aujourd’hui, pourra avec le prix d’une journée de travail acheter plus de pain ou de vin qu’il ne le peut faire aujourd’hui. Son salaire n’aura pas éprouvé d’augmentation, mais la puissance d’acquisition, la valeur effective de ce salaire se sera accrue. Si toutes autres choses demeuraient en l’état présent, si le fabricant, par conséquent, était contraint de se procurer par un sacrifice, par un agio, les espèces d’argent destinées au salaire de ses ouvriers, il pourrait se plaindre d’avoir à subir une augmentation de ses frais de production ; mais il n’aura rien à payer pour se procurer ces espèces métalliques : il les recevra des commerçans, ses cliens, qui eux-mêmes les auront reçues du public. Et le public, de qui les tiendra-t-il ? Du gouvernement, qui se les sera procurées par un emprunt à l’étranger. Quel est en effet le caractère essentielle toute opération financière ayant pour objet l’abolition du cours forcé, sinon d’être un sacrifice considérable que l’état, c’est-à-dire la communauté des citoyens, s’impose en vue d’affranchir simultanément toutes les classes de la nation du préjudice direct ou indirect que le cours forcé porte à leurs intérêts, et de replacer d’un seul coup le pays dans les conditions normales de l’existence internationale ? C’est pour arriver à ce résultat que l’état grève son budget de charges permanentes, et qu’il livre à tout venant des espèces sonnantes en échange d’un papier qu’il s’empresse de détruire. Or il arrivera, ou que les valeurs de toutes choses se trouveront convenablement équilibrées, et les espèces prendront la place du papier dans tous les paiemens sans que les prix Changent et sans que personne gagne ou perde : ou les produits du sol se trouveront avoir, par rapport aux espèces