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s’occupait de racheter autant que possible son erreur, en faisant pousser vigoureusement les fuyards par la cavalerie thessalienne. Vers le milieu de la nuit, Alexandre décampa ; le lendemain, il entrait dans Arbèles. Monté sur un cheval rapide, Darius avait traversé cette ville, sans ralentir sa course, abandonnant au vainqueur ses trésors, son char et ses armes. Tout donnait à penser qu’il avait dû, gagner le plateau de la Médie par les défilés du mont Zagros. Une troupe fugitive pouvait sans inconvénient s’engager dans ces montagnes ; une armée dépourvue de moyens de transport n’eût pas trouvé facilement à y vivre. C’est par ce chemin, il est vrai, — le chemin d’Altoun-Koupri à Scherzour, — que les Persans, pour faire la guerre aux Turcs, sont maintes fois descendus dans la vallée du Tigre, mais l’irruption, en pareil cas, a toujours le temps de se préparer ; elle ne fait d’ailleurs que suivre la pente qui la porte dans les contrées fertiles. Tout autres sont les difficultés des troupes qui viennent de la plaine envahir la montagne. Pour pousser jusqu’à Ecbatane, où Darius allait très probablement se rendre, il n’eût pas fallu parcourir, en partant d’Arbèles, moins de 560 kilomètres. C’était se lancer dans une seconde campagne et s’y engager à l’approche de l’hiver. Alexandre avait un soin plus pressant. L’empire perse était à ses pieds ; il fallait qu’il en prît sans tarder possession.


III

Il était peut-être plus facile, en ce moment, d’achever la conquête de l’Asie que de retenir la Grèce dans la soumission. Comment ! après Arbèles ! après tant de places fortes prises d’assaut ! après la Syrie et la riche Égypte subjuguées, il se trouvait encore en Grèce des mécontens pour protester contre les arrêts si éclatans du destin ! Les triomphes répétés d’Alexandre avaient eu un résultat sur lequel les Grecs de Sparte et d’Athènes eux-mêmes ne comptaient pas ; ils venaient de rejeter sur les plages du Péloponèse cette écume de mercenaires sans aveu, sans patrie, qui, ne pouvant plus servir la cause de Darius, ne demandaient pas mieux que de se ranger sous les drapeaux d’Agis. Revenu d’Halicarnasse avec le dernier subside que Darius avait pu lui faire passer, l’infatigable roi de Sparte s’était d’abord porté dans l’île de Crète. Il y obtint de faciles succès ; lorsque la flotte phénicienne, conduite par Amphotère, parut dans la mer Egée, Agis jugea prudent de se replier sur le Péloponèse. Jusqu’au printemps de l’année 330 avant Jésus-Christ, il se contenta d’entretenir en Laconie, en Arcadie, en Béotie, et jusque dans Athènes, une sourde agitation. L’annonce