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parlé et voté contre le compromis, parce que la rédaction de la loi, à son avis, ne donnait pas les garanties que son parti avait le droit d’exiger. M. Eaton avait vu juste, et la plus cruelle déception attendait les démocrates. Les deux chambres procédèrent immédiatement à la désignation des membres de la commission arbitrale. Conformément aux usages américains, qui sont les mêmes que ceux du parlement anglais et qui veulent qu’on fasse dans toute commission la part de la minorité, la chambre élut trois démocrates et deux républicains ; le sénat, à son tour, fit choix de trois républicains et de deux démocrates. Les forces se trouvaient donc balancées, et l’influence décisive allait demeurer à l’élément judiciaire. Les convenances contraignaient la cour suprême à désigner les plus anciens de ses membres. Les deux doyens se trouvèrent être deux démocrates ; venaient ensuite deux juges appartenant au parti républicain ; le cinquième, M. Davis, était un démocrate, mais à ce moment même la législature de l’Illinois l’élut pour représenter cet état au sénat, et le juge qui venait après lui par rang d’ancienneté était un républicain ardent, à qui appartint ainsi la voix prépondérante, et qui était bien décidé à ne consulter que les intérêts de son parti.

Abusés par le titre de la commission arbitrale, les démocrates avaient cru, en votant la loi, qu’ils auraient affaire à un véritable tribunal qui se ferait juge de la validité des opérations électorales, devant lequel ils pourraient produire les preuves qu’ils avaient réunies et faire entendre les témoins qui avaient déjà comparu devant les commissions d’enquête. Cela n’eût pas fait le compte des républicains, qui ne se dissimulaient pas l’impossibilité de contester les fraudes commises dans la Louisiane et dans la Floride. Il fallait donc supprimer toute discussion sur la moralité et la validité des suffrages exprimés. La commission arbitrale à la majorité de huit voix contre sept, commença par poser comme première règle de ses délibérations que son examen ne porterait que sur les documens qui lui seraient transmis par le président du sénat avec les certificats joints aux bulletins de vote. Cette première décision enlevait aux démocrates la possibilité de faire usage des preuves écrites et des documens recueillis dans la double enquête qui venait d’avoir lieu, et de faire entendre des témoins à l’appui de leurs protestations. Abordant ensuite le fond du litige, la commission décida, à la même majorité de huit voix contre sept, qu’aux termes du bill de compromis, elle avait les mêmes pouvoirs que les deux chambres du congrès, réunies en convention, mais que ses pouvoirs n’allaient pas au-delà de ceux de la convention, et qu’elle ne pouvait les étendre : par conséquent, il ne lui appartenait pas d’apprécier la validité