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aurait donc en main, par le budget, la disposition de la fortune publique, et par les conditions qu’il pourrait mettre au vote des crédits, il imposerait au gouvernement l’équité et l’impartialité qu’il n’avait pu obtenir du général Grant que dans la dernière année de sa présidence. Ces exhortations prévalurent sur les conseils de la colère et de la passion.

Pendant que des efforts énergiques étaient faits pour calmer l’irritation des députés du Sud, les idées de conciliation et d’apaisement faisaient également leur chemin au sein du parti républicain. Le revirement incontestable qui s’était produit dans les sentimens des populations du Nord se dessinait avec plus de force depuis que les enquêtes avaient révélé l’état d’oppression dans lequel les états du Sud avaient vécu pendant dix années, le gaspillage et la dilapidation de leurs finances, et l’ilotisme politique dans lequel la population blanche était maintenue avec l’assistance des baïonnettes fédérales. Plusieurs députés républicains du Massachusetts exprimèrent publiquement, avec autant de force que de franchise, les sentimens que ces révélations éveillaient chez eux. Il n’était point de républicain modéré qui ne reconnût la nécessité de mettre fin à la politique de compression à outrance. Une entente n’était donc pas impossible : des ouvertures furent faites confidentiellement aux amis de M. Hayes par les hommes les plus influens du Sud. Ceux-ci se déclarèrent prêts à accepter et à laisser proclamer M. Hayes, si le nouveau président s’engageait à reconnaître comme légitimement élus M. Wade Hampton et M. Nicholls, nommés gouverneurs, le premier dans la Caroline du Sud et le second dans la Louisiane, à abandonner à leurs propres forces les soi-disant gouverneurs républicains qui ne pouvaient espérer d’être installés et maintenus que par l’emploi des troupes fédérales et l’effusion du sang ; enfin à retirer du Sud les garnisons fédérales dès qu’une expérience de quelques mois aurait démontré que leur présence n’était pas nécessaire au maintien de la tranquillité publique. Les hommes du Sud, on le voit, ne visaient qu’à reprendre en main l’administration de leurs propres affaires : il était bien plus important à leurs yeux d’être maîtres chez eux et de ne plus se voir imposer par la force des représentans et des gouverneurs qui les accablaient d’impôts et d’exactions que de faire asseoir un homme de leur parti sur le fauteuil présidentiel. Ils n’avaient lutté pour la présidence qu’en vue de reconquérir leur autonomie administrative : si on la leur assurait, ils obtenaient le résultat qu’ils avaient souhaité par-dessus tout ; ils faisaient bon marché des honneurs et des profits attachés aux fonctions fédérales.

Les ouvertures confidentielles des chefs des démocrates furent