Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/828

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ordre social, du travail et de la prospérité ou l’anarchie et le retour à la barbarie, M. Hayes désavouait implicitement la politique violente et passionnée de son prédécesseur, qui, pendant le cours de son administration, avait maintenu des minorités en possession du pouvoir par l’assistance des forces fédérales. Les premiers actes du président furent conformes à son langage. M. Hayes accepta sans hésiter la démission de tous les ministres du général Grant, même de M. Morrill, malgré les preuves de capacité que celui-ci avait données dans la conduite des finances et malgré le succès de l’emprunt de 400 millions de dollars qu’il avait émis pour commencer la conversion de la dette fédérale. Il tint à donner une première satisfaction aux hommes du Sud en éloignant de ses conseils, malgré les instances qui étaient faites auprès de lui, le ministre de la guerre, M. Cameron, qui, au début de la lutte électorale, avait adressé aux commandans des forces fédérales une circulaire considérée comme une tentative d’intimidation à l’égard des électeurs démocrates.

Pour composer son ministère, M. Hayes fit appel à des hommes nouveaux, et il les choisit de préférence dans la fraction la plus modérée du parti républicain. M. Evarts fut nommé secrétaire d’état, c’est-à-dire ministre des affaires étrangères. ne à Boston en 1818, mais devenu citoyen de l’état de New-York, M. Evarts a la réputation d’être le premier jurisconsulte et l’avocat le plus éloquent des États-Unis. La considération dont il jouit est égale à sa réputation, et il a été plusieurs fois question de lai offrir la candidature au poste de gouverneur de l’état de New-York, qui est, après la présidence, la fonction élective la plus considérable des États-Unis. M. Evarts a occupé le poste d’avocat-général, c’est-à-dire de ministre de la justice dans le cabinet du président Lincoln ; il a été le conseil judiciaire et le principal défenseur du président Johnson, lorsque celui-ci fut mis en accusation devant le sénat par une chambre où dominait la fraction extrême du parti républicain. Il a été un des trois jurisconsultes que le gouvernement fédéral chargea de soutenir la cause des États-Unis devant le tribunal arbitral de Genève, dans le litige relatif aux déprédations de l’Alabama, et il a dû à sa réputation d’éloquence d’être chargé de prononcer le discours d’ouverture de l’exposition organisée pour célébrer le centenaire de l’indépendance américaine. La popularité de M. Evarts tenait moins encore à ses talens qu’à la modération notoire de ses opinions. En 1874, il avait flétri avec énergie, comme un acte d’injuste oppression, l’envoi dans la Louisiane d’un corps de troupes fédérales, destiné à réinstaller par la force une administration qui ne devait ses pouvoirs qu’à la fraude et qui avait été chassée par la