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contre-révolutionnaires qu’eux-mêmes avaient antérieurement provoquées.

« Le mal vient de ce que l’assemblée et le roi ne sont pas seuls à gouverner, s’écriait à la tribune un député royaliste, à propos des troubles du Midi, de ce que les lois ne commandent pas seules, n’agissent pas seules. Le peuple a des droits et des devoirs; il faut qu’il sache que ses devoirs sont inséparables de ses droits. » C’est là justement ce que savait le moins le peuple enflammé par les déclamateurs des clubs ou entraîné par les chefs du parti royaliste.

L’émotion fut immense dans l’assemblée nationale quand elle apprit les troubles de Mende, l’état des esprits dans cette ville, la coalition formée contre les lois par les royalistes et les prêtres réfractaires, les encouragemens qu’ils donnaient aux déserteurs, la présence d’un grand nombre de ceux-ci dans la Lozère, et l’appui qu’ils trouvaient dans la complicité d’une partie des autorités. Les soulèvemens du camp de Jalès allaient-ils renaître, alors que la révolution croyait les avoir à jamais vaincus l’année précédente?

Les rapports qui parvenaient à l’assemblée nationale lui montraient Mende en pleine insurrection, recevant d’Arles, c’est-à-dire de l’étranger, des secours en armes et en munitions, correspondant avec un grand nombre de localités du département, où pouvait, à la voix des prêtres réfractaires, se lever une armée. « A Mende, disaient ces rapports, on fond les cloches pour en faire des canons; on forge des piques, on amasse des vivres, on se fortifie. Les curés convoquent de tous côtés des jeunes gens de dix-huit à vingt ans pour les employer à ces travaux de défense. Sur les places, les chefs exercent les paysans au maniement du fusil; de son château de Chanac, l’ancien évêque Castellane pousse à la révolte par tous les moyens d’influence dont il dispose. »

Au vu de ces renseignemens, d’ailleurs empreints d’exagération, un député demandait que Mende cessât d’être le chef-lieu de la Lozère et que Marvejols fût désigné pour devenir le siège du conseil-général d’administration et du tribunal criminel; il demandait en outre que le maire de la ville insurgée et le commandant de la garde nationale fussent mandés, ainsi que Mgr de Castellane, à la barre de l’assemblée pour y expliquer leur conduite. Il dénonçait ensuite les relations qui existaient entre Mende, Arles et les rassemblemens du Vivarais, et proposait une motion qui, du reste, ne fut pas votée ce jour-là, ordonnant la destruction par le feu des châteaux de Banes et de Jalès, centre des révoltes qu’il s’agissait de réprimer.

Enfin, le 28 mars, l’assemblée décrétait d’accusation plusieurs des personnages compromis dans les affaires de Mende, et notamment