Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La science, parmi les compétiteurs de Charpentier, aurait trouvé des organes dignes d’elle.

Charpentier donc s’est vanté, avec un cynisme révoltant, d’avoir privé la science d’un organe digne d’elle.

La conclusion cependant est fautive, l’épithète révoltant est de trop, et aussi le mot cynisme.

L’Université décida quelle présenterait an roi une requête contre les transfuges et les déserteurs de la foi ; les députés dans cette circonstance, dans l’ordre des médecins, furent Varades et Charpentier ; ce dernier ne se piquait pas, on le voit, d’une excessive délicatesse quand il s’agissait de perdre ses ennemis.

Il s’en piquait si bien qu’il a écrit : « Dans cette affaire, je dois l’avouer, je me suis montré plus froid que je n’aurais dû. Thessalus (Ramus) y était le principal intéressé, et je craignais de paraître favoriser mes inimitiés personnelles. »

Ramus fit comprendre à Turnèbe, dans sa réponse, que sa place n’était pas avec les Charpentier.

Ramus, dans sa réponse à l’illustre Turnèbe, lui déclare, avec une urbanité louée par M. Waddington, que sa place n’est pas au Collège Royal, où il fait regretter son prédécesseur Tusan, mais il n’introduit contre Charpentier aucune phrase de mépris, ou même de polémique ; ni son nom n’est prononcé, ni ses écrits ne sont combattus ou cités.

Dans une harangue furibonde, prononcée au Collège Royal, et qui fut imprimée sans retard, Charpentier avait fulminé contre l’infâme doyen, qui compromettait la réputation et l’existence même de son corps.

La harangue, que chacun peut lire, est spirituelle et non furibonde. Charpentier ne fulmine nullement contre le doyen ; fidèle à son habitude, il le nomme Thessalus, mais sans le traiter d’infâme. Le Collège Royal a été menacé : plusieurs grands et notables personnages du conseil privé ont invité le roi à supprimer un établissement dont le chef a mauvaise renommée. Le péril est écarté, tous ne seront pas punis pour la faute d’un seul. Ainsi parle Charpentier. Traduire infamia decani par l’infamie du doyen, et en conclure que le doyen est dit infâme, c’est, dans notre langue actuelle, proposer une version infidèle. Le mot « infâme » et le mot « diffamé, » de même que le mot brigand, ont complètement changé de sens. Peut-être, au moment où Charpentier prononçait son discours, le crieur public annonçait-il à son de trompe, sous les fenêtres, l’édit du 4 janvier 1569, ordonnant que « tous estrangiez qui sont diffamez, notez ou suspects de la prétendue religion réformée, vuideront la ditte ville et faulzbourgs trois jours après la