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au pas de charge, culbutant tout sur leur passage. Les royalistes prirent la fuite, malgré les efforts du chevalier de Melon et de Dominique Allier, qui, se voyant abandonnés, durent à leur tour se dérober à une mort certaine.

On crut d’abord que le premier se trouvait parmi les morts. Il était parvenu cependant à se sauver et à gagner les bois, guidé par Dominique Allier; il se cacha pendant plusieurs jours, put se diriger ensuite sur Lyon et fut du nombre de ceux qui, sous les ordres du général de Précy, défendirent cette ville contre la convention. Fait prisonnier à la fin du siège, il fut passé par les armes et tomba en saluant ses exécuteurs du cri de : « Vive le roi ! » Quoique destiné à périr d’une manière aussi tragique, Dominique Allier devait vivre plus longtemps et prendre encore part aux conspirations qui suivirent celle du comte de Saillans.

Après ce succès, l’armée du Gard pouvait s’avancer librement. Enivrée par sa victoire, irritée par la résistance qu’elle venait de rencontrer, elle entra dans Saint-André-de-Cruzières très excitée et en désordre. Les habitans de cette commune, épouvantés par la bataille, étaient partis, laissant leurs demeures vides. Les vainqueurs imitant les barbares y mirent le feu. L’incendie détruisit en peu d’instans toutes ces maisons, sans qu’il fût possible d’en sauver une seule.

A dater de ce moment, l’armée continua son chemin sans trouver devant elle le moindre obstacle. Elle occupa d’abord le château de Jalès, le temps seulement de le livrer aux flammes, puis Beaulieu et enfin Berrias, où elle opéra sa jonction avec le bataillon de l’Ardèche. C’était le coup de grâce porté à l’insurrection. Mais, dans l’excès de leur joie, les vainqueurs déshonorèrent leur victoire en saccageant une partie de cette commune.

La famille de Malbosc était fugitive depuis la mort de son chef. Les trois maisons qu’elle possédait dans le village furent incendiées. Ce n’était là que le commencement des sinistres représailles qui allaient s’accomplir durant les jours suivans.


II.

Dans la soirée du 11 juillet, les bandes royalistes vaincues fuyaient dans toutes les directions, pêle-mêle avec des femmes et des enfans, chassés de leur demeure, cherchant un refuge dans les forêts dont étaient alors couvertes les montagnes qui environnent la plaine de Jalès. Le pittoresque bois de Païolive, situé au-delà de Berrias, sur la route des Vans, au milieu d’un formidable entassement de rochers, servit de refuge à une foule de ces malheureux. Ils vécurent plusieurs jours à la belle étoile, cachés dans les