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Mais aucune preuve n’est donnée à l’appui de ce propos, et il est difficile de penser que le président de la convention qui eut le courage, le 20 mai 1795, de saluer la tête de Féraud avait préludé à cet acte héroïque par un acte d’insigne lâcheté.

Il semble que tant d’horreurs ne pouvaient être dépassées. Il appartenait aux terroristes d’Alais de prouver le contraire. Quoique éloignée du camp de Jalès et située dans un autre département, cette ville, placée sur la route que par deux fois les troupes du Gard avaient dû suivre pour marcher contre les insurgés, subissait le contre-coup des événemens. L’émotion y était vive, les clubs y dominaient. Depuis un mois, ils exerçaient une active surveillance, afin d’empêcher les contre-révolutionnaires d’aller grossir les bandes royalistes.

Le 5 juillet, le bruit se répandit que le comte de Saillans avait mis le siège devant Bannes, fait périr trois gendarmes et déclaré la guerre au gouvernement. Ces nouvelles déchaînèrent les passions révolutionnaires. Dans l’après-midi, deux individus, les sieurs Roure et Nias, furent arrêtés au moment où ils tentaient de sortir de la ville. Soupçonnés de ne la quitter que pour se rendre au camp de Jalès, poursuivis par la foule, ils allaient être pendus, quand la municipalité les sauva en les faisant enfermer dans la prison du fort d’Alais.

Quelques heures plus tard, une femme honorablement connue, Mme Gaillard, fut arrêtée dans les mêmes conditions. On saisit sur elle des cartouches, et, comme son mari, connu pour ses opinions royalistes, était absent depuis plusieurs jours, il fut aisé de deviner qu’elle allait le rejoindre sur le théâtre de l’insurrection. Une multitude bruyante, composée surtout de femmes et d’enfans, la ramena brutalement à la mairie ; elle y fut interrogée par le juge de paix, puis envoyée au fort, où se trouvaient déjà, avec les individus arrêtés le matin, diverses personnes compromises et décrétées d’accusation. Dans le nombre, on comptait un gentilhomme de la localité, M. d’Esgrigny, soupçonné, à tort ou à raison, d’avoir participé au complot de Perpignan, fomenté l’année précédente par le comte de Saillans, encore inconnu.

Ces incidens aggravèrent l’excitation des esprits, entretenue par les clubs; elle s’augmenta le 7 juillet au passage à travers la ville des gardes nationales du Gard, que le général d’Albignac conduisait au camp de Jalès. Dans la soirée du 13, on apprit l’arrestation et la mort du comte de Saillans. Les maisons s’illuminèrent, les cloches furent mises en branle autant pour célébrer la victoire que pour annoncer l’anniversaire de la fédération.

Le lendemain, dans la matinée, les gardes nationales du district