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que représentait Mejia une marque d’infamie. La mise à mort de Mexicains combattant dans leur propre pays et pour son affranchissement contre une nation étrangère devait être vouée à l’exécration universelle. Il ne permettrait pas que cela se fît sous ses yeux sans protester au nom de son gouvernement de la façon la plus solennelle. Le maréchal adressa simplement au général Mejia la dépêche suivante : — « D’après les ordres de l’empereur, vous ferez exécuter le jugement prononcé par la cour martiale. Sa Majesté vous félicite de votre énergie et de votre prudence et compte toujours sur votre dévoûment. » — Le maréchal lui apprenait en même temps que la solde de ses troupes allait être payée et que l’emprunt qu’il avait contracté à Matamoros était approuvé. C’était le fortifier matériellement et moralement, s’il était attaqué de nouveau. C’était aussi mettre les Américains en demeure de se prononcer.

Le Tartare partait avec un simple rôle d’observation à jouer et la mission assez délicate de reprendre, par le territoire américain, nos hommes de l’Antonia, Bagdad, étant au pouvoir des libéraux, il lui était défendu de communiquer avec Matamoros par le Rio-Grande. Dans les rapports officiels qu’il aurait avec le commandant de Brazos et dans le cours de la conversation, il avait à sonder cet officier général pour qu’il consentît soit à faire passer une dépêche au général Mejia, soit à permettre à nos hommes de nous revenir par le Texas. Dans ce cas, il était probable qu’on exigerait qu’ils rentrassent sans armes, ils devaient alors les jeter à l’eau avant de toucher le bord américain, et le second maître Le Guyec non-seulement ne devait pas arborer le drapeau français, mais le détruire, s’il en avait un. Il devait être entendu que les Américains protégeraient et feraient escorter nos hommes. Le blocus n’étant pas déclaré, le capitaine du Tartare n’avait pas à visiter de navires. Il pouvait observer si quelques-uns d’entre eux ne transportaient pas de personnel. Mais comme le Rio-Grande était aussi bien américain que mexicain, il n’avait point à rechercher si les soi-disant émigrans étaient plutôt pour le Texas que pour le Mexique. Le capitaine du Tartare, M. Delaplanche, était plus capable que tout autre de bien s’acquitter de ces différens soins, car il allie à un esprit original un sens pratique excellent. Très sage et très vigoureux à la fois, il parlait parfaitement anglais et connaissait personnellement plusieurs des principaux chefs américains. Toutefois il allait être arrêté par un malentendu. A peine arrivé à Brazos, il alla voir le général Clarke, qui le reçut très poliment, fit transmettre immédiatement sa demande du passage des hommes de l’Antonia par le Texas au général en chef en l’assurant que celui-ci s’y montrerait favorable. Ce fut alors qu’en causant de différens