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y a vingt ans, j’étais aussi intelligent que vous; aujourd’hui, je le suis davantage, car j’ai beaucoup appris en vingt années. » La vérité est que M. de Bismarck est depuis quelque temps très porté à la guerre en politique et que, s’il cherche la paix, c’est seulement dans les affaires religieuses, où apparaissent de plus en plus les signes d’un prochain apaisement et de la fin du Culturkampf.

L’Angleterre a certainement, elle aussi, ses difficultés de toute sorte, intérieures ou lointaines, qui n’ont pas diminué pour elle depuis qu’elle est passée du ministère conservateur de lord Beaconsfield au ministère semi-libéral, semi-radical présidé par M. Gladstone. Ces difficultés, ce n’est pas le cabinet d’aujourd’hui qui les a créées sans doute; il a trouvé les questions engagées, il en porte le poids, et par la manière dont il est composé, par les opinions qu’il représente, il est peut-être plus embarrassé qu’un autre pour les résoudre. Quand et comment arrivera-t-il à cette pacification de l’Irlande qu’il poursuit? Depuis que le parlement est ouvert, il n’a pas été un seul jour sans avoir à livrer quelque combat pour obtenir les pouvoirs dont il a besoin. Il a fini par avoir son « bill de coercition, » qu’il est occupé maintenant à appliquer en faisant arrêter les agitateurs de la land league. Il n’est cependant encore qu’à mi-chemin. Il a d’autres mesures de désarmement à faire voter, et il a aussi, chose plus grave, à proposer ce qu’on appelle le bill agraire, la loi de réforme sur laquelle il compte pour désintéresser la population rurale de l’Irlande, en allégeant, en améliorant sa condition. Il n’est pas au bout de la crise irlandaise. Le cabinet a trouvé de plus dans l’héritage qu’il a recueilli bien d’autres affaires; mais le contre-temps le plus imprévu, le plus cruel à l’heure qu’il est pour le ministère, pour la nation anglaise elle-même, c’est ce qui se passe au sud de l’Afrique; c’est le sanglant échec que viennent d’essuyer les troupes britanniques dans la guerre engagée contre ces rudes paysans, les Boers du Transvaal. Les soldats de la Grande-Bretagne ont payé les erreurs d’une politique.

Bien de plus curieux, de plus dramatique que l’histoire de ces colonies africaines, formées autrefois par les Hollandais et, à l’époque de l’invasion de la Hollande par la république française, conquises par les Anglais, qui les ont gardées. L’Angleterre, avec sa politique de domination et d’annexions indéfinies, a vainement essayé de dompter et a successivement refoulé les colons primitifs, Hollandais ou descendans de huguenots français transportés au Cap à la fin du XVIIe siècle. Ces populations européennes d’origine, fortes et simples de mœurs, calvinistes par la foi religieuse, se sont périodiquement retirées avec leurs femmes, leurs enfans et leur bible dans l’intérieur, et c’est ainsi que se sont formées la république d’Orange, puis la république du Transvaal. L’annexion, après s’être d’abord arrêtée devant ces émigrans, a fini par atteindre le Transvaal il n’y a que quelques années, sous le ministère