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II.

Après ces renseignemens, trop sommaires peut-être, sur les assemblées électorales de Rome, parlons un peu des candidats, j’entends des candidats à la magistrature suprême, celle qui couronnait la carrière d’un homme politique ; en étudiant ce qu’on faisait pour y arriver, nous aurons l’idée de la manière dont on s’y prenait pour obtenir les autres.

Quoique le consulat, depuis la loi Licinia, fût accessible à tout le monde, le nombre de ceux qui pouvaient y prétendre chaque année était en réalité fort restreint. Dans les républiques modernes, en Suisse, en Amérique, en France, on n’a posé aucune condition de stage pour arriver à la première magistrature du pays ; un négociant, un officier, un avocat peuvent y parvenir du premier coup. A Rome, on dressa de bonne heure une sorte de hiérarchie des fonctions publiques, et il fut établi qu’on devait avoir parcouru la série des magistratures inférieures, dans un certain ordre, avec de certains intervalles, avant d’aspirer à la plus élevée. Cette succession avait été réglée d’une manière rigoureuse par des lois appelées Lois annales, qui sont aujourd’hui assez imparfaitement connues parce qu’elles ont été souvent violées et que la fréquence de l’exception nous empêche de bien déterminer la règle. On les respectait pourtant à l’ordinaire, et l’on peut dire d’une façon générale qu’on ne pouvait être consul qu’après avoir traversé la questure, l’édilité et la préture. L’âge auquel il était permis d’occuper ces diverses fonctions avait été aussi déterminé par la loi. A moins de circonstances extraordinaires, on ne pouvait être édile qu’à trente-sept ans, préteur à quarante, et consul à quarante-trois. On comprend que le nombre de ceux qui remplissaient toutes ces conditions ne devait pas être considérable chaque année. Cicéron, quand il posa sa candidature, avait sept concurrens ; mais quatre d’entre eux se découragèrent de bonne heure, et au dernier moment ils ne restaient plus que trois pour deux places.

Mais plus le nombre des compétiteurs était limité, plus la lutte entre eux était vive. L’homme est ainsi fait qu’il désire avec passion tout ce qui l’élève au-dessus des autres, de quelque nature que ce soit. Les distinctions en apparence les plus futiles, du moment qu’elles nous tirent du commun, ont été l’objet de convoitises effrénées. Que de cœurs ont battu, à la cour de Louis XIV, du désir de porter le bougeoir du roi, quand il allait se coucher, ou de tenir un des coins de la nappe, lorsqu’il communiait! tant