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remporta. Sous son règne et sous celui de son fils Eumène II, Pergame devint le principal centre de l’hellénisme. C’est alors que fut fondée l’admirable bibliothèque qui dut son rapide développement à l’emploi de peaux habilement préparées pour remplacer le papyrus: du nom même de la ville où naquit cette précieuse industrie fut formé le mot pergamena, dont nous avons fait parchemin. Encore aujourd’hui, l’on voit sur les bords du Caïque un certain nombre de peausseries, héritières peut-être de celles où fut apprêtée la matière première des plus anciens livres de Pergame. Toutes les branches de la science et de l’art étaient cultivées avec un brillant succès : autour d’un sanctuaire vénéré d’Esculape se formait la célèbre école de médecine d’où Galien devait sortir plus tard. Quant à la statuaire, elle était plus brillante encore, et les découvertes récentes viennent de confirmer avec un éclat inattendu ce que l’on savait déjà des sculpteurs contemporains d’Attale Ier. On n’ignorait pas, en effet, qu’une foule d’artistes de talent avait illustré le règne de ce prince. L’école de Pergame eut cela de remarquable qu’elle ne chercha jamais à imiter. A une époque où les œuvres des artistes d’Athènes ne sont que de froids et prétentieux pastiches, il est intéressant de rencontrer des esprits assez indépendans pour être eux-mêmes. Il est regrettable que certaines statues données aux Athéniens par Attale Ier après sa victoire sur les Gaulois ne nous aient pas été conservées : c’étaient des Gaulois blessés, hauts de deux coudées et par conséquent plus petits que nature. On voit encore sur l’Acropole d’Athènes, derrière les ruines de l’ancien Parthénon détruit par Xerxès, les assises des piédestaux qui surélevaient les présens d’Attale, de sorte qu’on pût les apercevoir de la ville et des bords de l’Ilissus, par-dessus la muraille de Cimon. Que sont devenues ces statues? Il est difficile de le dire avec certitude. Le savant professeur Brunn, de Munich, incline à les reconnaître dans les Gaulois blessés de la villa Ludovisi et du Capitole. Ces derniers, quoiqu’il en soit, appartiennent sans aucun doute à l’école de Pergame, et permettent d’en apprécier les mérites : la liberté d’attitude, l’expression de souffrance marquée sur la physionomie, et une façon particulière de réalisme dans l’ensemble révèlent chez les artistes de Pergame une spontanéité et comme une sorte de naïveté qu’on est surpris de trouver un siècle et peut-être davantage après Alexandre. C’est de cette même époque que datent les bas-reliefs représentant la Gigantomachie et l’autel de Jupiter lui-même. Pergame fut du reste embellie avec un luxe inouï par ses rois. On dit que les biens mal acquis ne profitent pas : ici, au contraire, les neuf mille talens de Lysimaque, volés par son intendant, furent l’origine d’une opulence hors de proportion avec le peu d’étendue du royaume.

La ville des Attales devint ainsi la plus belle, la plus fastueuse