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moderne en deux parties. Il était bordé autrefois de magnifiques quais, construits en belles pierres de taille, qui subsistent sur plusieurs points. On le franchit sur une série de ponts antiques, aux arcs élégans, que le temps n’a pas entamés. Le Sélinos a même été l’objet d’un travail dont l’antiquité, croyons-nous, n’offre pas d’autre exemple. Il a été couvert, comme la Bièvre ou le canal Saint-Martin, sur une assez longue partie de son cours : les eaux s’engouffrent sous un double tunnel et ressortent à 200 mètres plus loin. Le voyageur français Texier, qui a parcouru le souterrain d’un bout à l’autre, a reconnu qu’il était voûté dans toute sa longueur et construit avec de beaux matériaux soigneusement taillés. Rien plus qu’un pareil travail ne peut donner une idée du degré de splendeur où était arrivée Pergame sous la domination romaine. Il fallait, certes, que le terrain y fût précieux pour qu’on ne reculât pas devant un moyen si dispendieux de gagner tout au plus quelques hectares. Il y a aujourd’hui encore un quartier de Bergama bâti sur le Sélinos: les Turcs le désignent d’un seul mot qui, avec cette concision bien connue de leur langue, signifie à lui tout seul : ni sur la terre, ni dans le ciel. — Non loin de là, sur la rive gauche de la rivière, c’est-à-dire dans l’espace étroit compris entre son cours et la colline de l’acropole, se trouve un des monumens de Pergame qui ont le plus piqué la curiosité des archéologues. C’est un grand édifice rectangulaire désigné sous le nom de basilique. Il n’est pas douteux qu’il n’ait été transformé en église lors de l’introduction du christianisme; mais quelle en était la destination primitive? quelle était surtout celle des deux grosses tours rondes, de style manifestement romain, que les Byzantins ont utilisées comme annexes de l’église principale? C’est un problème complexe, que nous n’aurons garde de chercher à résoudre.


II.

Après cette courte visite de la ville basse, gravissons les pentes de l’acropole. Le mamelon où elle était édifiée est de forme oblongue : il se rattache vers le nord seulement aux autres montagnes du pays, et encore n’est-ce que par une étroite langue de terre, une crête inclinée facile à défendre. A l’ouest et à l’est, il est enserré entre les vallons du Sélinos, que nous connaissons déjà, et du Cétios, autre affluent du Caïque. Le seul côté facilement accessible est celui qui fait face au midi, et où la colline s’abaisse et descend en ondulant jusqu’à la plaine formée par les alluvions du fleuve.