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C’est par là qu’aujourd’hui encore on gagne le sommet de l’acropole, en suivant un sentier dont les larges dalles attestent l’origine reculée. Cet antique chemin traverse d’abord les quartiers élevés de la ville moderne, où s’entasse cette population bruyante et bigarrée des cités de l’Orient. On coudoie de graves Turcs à turban vert, insigne vénéré des hadgi, les dévots qui ont fait le pèlerinage de la Mecque, des Grecs portant le large pantalon flottant de l’Ionie et des Cyclades, des Arméniens, des Juifs reconnaissables à la persistance étonnante de leur type originaire. Au-delà des dernières maisons de la ville, on contourne le cimetière des Arméniens, puis on dépasse les restes d’une enceinte qui paraît avoir couru à mi-coteau sur une assez grande partie du versant qui regarde le Sélinos. Le chemin atteint bientôt la véritable enceinte de la citadelle, celle qui la couronnait tout autour; mais la porte n’est pas en face de l’endroit où l’on arrive. Pour y parvenir, il faut longer la base de la muraille de circonvallation du côté de l’est. C’est là, regardant le Cétios, qu’était l’entrée principale, très délabrée aujourd’hui, mais où l’on reconnaît pourtant encore la base des tours qui en gardaient les abords. L’ennemi ne pouvait donc pénétrer qu’après s’être exposé sur un assez long espace aux projectiles lancés par les soldats postés sur les remparts. Puis s’il était parvenu jusqu’au seuil, il était obligé, pour saper la porte, de faire à gauche un mouvement de flanc qui rendait inutile la protection du bouclier. C’est là une disposition fréquente dans les citadelles helléniques et que j’ai eu l’occasion de remarquer souvent, notamment à Mycènes.

Dans l’antiquité, l’enceinte fortifiée paraît avoir été divisée en deux parties par un rempart intérieur. C’était là encore un usage très fréquemment suivi ; on le trouve déjà à Tirynthe, la patrie d’Hercule et la plus antique forteresse du monde pélasgique. On la retrouve d’ailleurs dans les places fortes du moyen âge, qui se composaient presque toujours de deux cours enfermées dans une enceinte commune : le point culminant, qu’on appelait la motte dans les premiers siècles, alors que les châteaux étaient défendus par de simples palissades, devint plus tard le donjon quand la pierre remplaça le bois. A Pergame, la porte dont nous venons de parler conduit à une première enceinte, large et arrondie vers le sud, qui va s’élevant et se rétrécissant vers le nord. L’assiégeant qui serait parvenu à s’en emparer aurait encore trouvé devant lui un rempart dont les fondemens seuls subsistent, qui protégeait la partie supérieure de l’acropole. Il fallait donc franchir une seconde porte puissamment fortifiée pour pénétrer dans l’enceinte, où la tradition place le palais des Attalides. Cette deuxième enceinte a la forme d’un triangle compris entre le rempart intérieur au sud et la