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de fixer plus longtemps l’attention. L’acropole de Pergame était sans doute, à l’origine, un de ces lieux élevés où l’on offrait des sacrifices à Jupiter sut un tertre de gazon, en plein air. N’était-il pas naturel, d’ailleurs, que le dieu de l’air et du ciel fût honoré sous la voûte du firmament? Beaucoup de ces sanctuaires primitifs furent transformés par la suite : grâce aux progrès parallèles que firent chez les Grecs l’anthropomorphisme et la pratique des arts, ils furent remplacés par des temples. En arrière de l’autel, on construisit un édifice où l’on enferma l’image du Dieu, et d’où il assistait au sacrifice. Mais il n’en fut pas ainsi partout; quelques-uns des sanctuaires les plus vénérés conservèrent, même à l’époque classique, le simple caractère des premiers âges. De ce nombre fut celui de Pergame : on eût craint sans doute de porter atteinte à la majesté du dieu en lui donnant une apparence tangible, en le logeant dans une cella, sous la forme d’un homme de marbre. L’antique autel était formé, nous dit Pausanias, des dépouilles des animaux immolés, d’un mélange de cendres et de cornes. Ce vénérable monument de la piété des générations passées, le détruire, le remplacer par un fût de marbre entouré de guirlandes sculptées, eût paru un coupable sacrilège. — Quand Attale I" et Eumène embellirent leur capitale, quand ils élevèrent les somptueux monumens qui en firent une des plus belles cités de l’Asie, ils respectèrent l’autel traditionnel et procédèrent à peu près comme le pape Sixte-Quint à Lorette. On sait que la santa casa apportée de Palestine par les anges est aujourd’hui enfermée dans une grande et luxueuse église. Les rois de Pergame conservèrent de même l’antique autel de Jupiter, mais construisirent un vaste monument pour lui faire honneur.

Ce monument, unique dans son genre, un habile architecte allemand, qui a pris part aux travaux de M. Humann, est parvenu à en reconstituer les dispositions principales avec une grande apparence d’exactitude. Et ce n’est pas un mince mérite, car bien des causes rendaient la tentative particulièrement difficile. D’abord l’état de dévastation de l’édifice; en effet, il n’en reste pas pierre sur pierre, et, sauf les fondations et quelques amorces du socle inférieur, tous les matériaux étaient épars. De plus, on ne saurait s’inspirer ici d’aucun autre monument analogue, comme lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un temple ou d’un théâtre, — toujours plus ou moins semblable à un autre temple ou à un autre théâtre. Enfin les écrivains anciens n’ont laissé aucune description de notre monument, sauf le passage déjà cité d’Ampelius, très sommaire et très insignifiant. Cependant M. Bohn n’a pas reculé; en observant avec soin les fondations, en étudiant minutieusement les blocs de