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cortège, en traînant toujours une multitude d’amis et d’obligés après soi. « Faites surtout, disait Quintus, que votre candidature ait grand air : Tota petitio cura ut pompœ plena sît, ut habeat summam speciem ac dignitatem. » C’était l’usage à Rome, comme on sait, que les cliens vinssent tous les matins saluer le patron à son réveil. Le nombre de ces visiteurs était très considérable dans les grandes maisons, et Virgile les compare à un fleuve qui se précipite à flots pressés. Les candidats recevaient toute la ville. Quintus exige que leur maison soit ouverte avant le jour; il fait encore une nuit profonde que déjà les amis zélés se pressent à leur porte. Un peu plus tard arrivent les oisifs, les curieux, les politiques, ceux qui cherchent à savoir des nouvelles qu’ils pourront répéter ensuite au forum. Cicéron raconte que la mode s’était établie de son temps d’aller saluer chacun des candidats tour à tour, pour voir s’il avait beaucoup de monde chez lui, pour essayer de lire sur son visage ses sentimens et ses espérances. Si les visiteurs le trouvaient triste, ennuyé, ils allaient dire partout que ses chances baissaient et qu’il perdait courage. Aussi était-ce un devoir pour lui, quoi qu’il arrivât, de rester toujours de bonne humeur ; il lui fallait prendre dès le saut du lit cet air affable et souriant qu’il gardait toute la journée. La salutation finie, vers la troisième heure (huit heures du matin), une cérémonie nouvelle commençait. Le candidat se rendait à ses affaires; il allait au forum ou dans les basiliques voisines remplir son devoir d’avocat ou de juge. Il était de règle que tous ses amis devaient l’accompagner : c’étaient des cortèges interminables qui suspendaient la circulation sur les voies publiques. Chacun voulait montrer qu’il avait plus de partisans que les autres et faire croire par là que son succès était certain, afin de frapper les indécis et d’entraîner ceux qui se tournent toujours vers la fortune. Tous ceux qui accompagnent le candidat ne sont pas tenus aux mêmes obligations : quelques-uns, les plus illustres, les plus grands personnages, qui eux-mêmes ont beaucoup à faire, se contentent de le conduire de sa maison au forum : c’est peu de chose, et pourtant il faut qu’il leur en témoigne toute sa reconnaissance et paraisse pénétré de l’honneur qu’ils lui font. S’ils veulent bien mettre le comble à leur bonté, en faisant avec lui quelques tours de promenade dans la basilique, il doit se confondre en remercîmens. On appelait ceux-là deductores ; en général, c’étaient des gens d’importance qu’on aimait à montrer et dont l’appui honorait les candidats pour qui ils s’étaient déclarés. Il y en avait d’autres auxquels on donnait le nom d’assectatores, qui ne devaient jamais quitter le candidat. Ils s’attachaient à ses pas toute la journée, marchaient ou s’arrêtaient avec lui, le ramenaient à sa maison