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considérable des échanges et des prix, où peut dire que le besoin de numéraire commence seulement à se faire sentir et qu’il ira croissant rapidement. » L’abondance des métaux précieux a eu pour effet d’abaisser le taux de l’intérêt et, par suite, de stimuler toutes les entreprises et d’ouvrir ainsi de nouveaux canaux à la production accrue de l’or et de l’argent. Ce point de doctrine a été souvent contesté par les économistes, qui croient rendre service à leur pays et à l’humanité en raréfiant l’instrument d’échange, Voici ce que dit à ce sujet Stuart Mill dans la dernière édition de ses Principles, chapitre XXIII : « La masse des métaux précieux qui arrivent constamment des contrées aurifères est presque entièrement ajoutée au fonds qui se présente sur le marché des prêts ; une si grande augmentation du capital a pour effet de faire baisser le taux de l’intérêt. » N’est-il pas incontestable que cette activité industrielle et commerciale qui a suivi 1850 est due en très grande partie à l’abondance des moyens d’échange ? M. Leslie le reconnaît également en parlant de l’Inde : « Ce n’est pas, dit-il, un avantage insignifiant pour les Hindous que d’avoir leur industrie stimulée et leur commerce facilité par une abondance inaccoutumée de numéraire, qui leur permet, en outre, de se soustraire aux cruelles exactions des usuriers de village. « Aussi, loin d’être effrayé, comme l’étaient alors M. Michel Chevalier et ceux qui ont partagé ses vues, par l’or que livraient les placers de l’Australie et de la Californie, M Leslie affirme que l’abondance même de la monnaie en augmentera la demande, en lui créant de nouveaux emplois et en lui ouvrant de nouveaux pays. Il va même plus loin et, ici encore une fois, il prédit un phénomène qu’on était bien loin de soupçonner alors. « Considérant, dit-il, que l’extension de la circulation fiduciaire exigera toujours comme base une quantité plus grande de métaux précieux, on peut se demander si leur production future sera suffisante pour faire face aux besoins croissans de monnaie des pays reculés et arriérés, dont le développement économique est inévitable. » Ces lignes écrites en 1865 se réalisent sous nos yeux. Les placers de l’Australie et de la Californie s’appauvrissent rapidement : ils sont déjà presque épuisés. L’éminent géologue de Vienne, M. Süss, prédit la rareté de l’or. Ce métal, le seul instrument d’échange international, depuis la proscription de l’argent, au lieu de nous arriver d’Amérique, repasse l’Atlantique ; Les financiers suivent d’un œil inquiet les exportations d’or, que se disputent, à coups de hausse de l’escompte, les marchés monétaires européens. L’encaisse des banques est sans cesse menacée. Les prix, qui n’avaient cessé de monter de 1850 à 1870, commencent à fléchir et, par suite, le poids de toutes les dettes devient plus écrasant. Il est étrange que tout ce qui concerne la distribution et la circulation