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tolérer celle de l’Institut[1], quoiqu’elle fût d’une moindre importance. Les changemens faits dans la cour de cassation[2], puisque Votre Majesté croyait utile d’y en faire, devaient l’être huit mois plus tôt.

Le principe de la légitimité était attaqué aussi, et d’une manière peut-être plus dangereuse, par les fautes des défenseurs du pouvoir légitime, qui, confondant deux choses aussi différentes que la source du pouvoir et son exercice, se persuadaient ou agissaient comme s’ils étaient persuadés que, par cela même qu’il était légitime, il devait aussi être absolu[3].

  1. Furent éliminés de l’Institut: Cambacérès, Carnet, Guyton de Morveau, Monge Merlin de Douai, Sieyès. Lakanal, Grégoire, David, Rœderer, Garat, le cardinal Maury ; ils furent remplacés par Mgr de Bausset, évêque d’Alais, MM. de Bonald, de Lally-Tollendal, les ducs de Richelieu et de Lévis, le comte de Choiseul-Gouffier, Ferrand, Letronne, Raoul-Rochette, Quatremère de Quincy.
    Le 28 février 1815, Jaucourt mandait à Talleyrand :
    « Le chancelier aussi aime vivement le roi, et sa simarre lui représente la monarchie. Hier, j’ai eu au conseil un mot avec lui et avec M. Ferrand. Ce dernier disant: « Pourquoi ce mot Institut, né depuis vingt-cinq ans, un mot de création révolutionnaire? » et M. Dambray disant que si l’on rendait des jetons, ils se jetteraient dessus pour se les arracher: — « Vous dites un grand mot, un mot admirable, utile, sage, conservateur. »
    Le 4 mars, le roi élimine les voteurs de l’Institut, conserve le nom d’Institut, réunit les Académies de peinture, etc., etc., en supprimant la quatrième classe, rend le nom d’Académie aux trois classes, à leur rang ancien, et nomme au remplacement.
  2. Le 21 novembre 1814, l’abbé de Montesquiou avait présenté un projet de loi qui tendait à ramener les attributions de la cour de cassation à celles du conseil des parties de 1789. La cour suprême serait devenue comme une section du conseil du roi. Le chancelier de France aurait présidé non-seulement la cour de cassation, mais encore chacune de ses sections séparément. La chambre des requêtes aurait été dispensée de motiver ses arrêts. L’ordre du service de la cour aurait pu être modifie par le roi sans l’intervention du pouvoir législatif.
    On annonçait l’intention de mettre à la retraite les membres de la cour dont les services, pour quelque cause que ce fût, seraient jugés n’être plus nécessaires.
    MM. de Flaugergues et Dumolard se firent à la chambre des députés les interprètes de l’opinion publique, fortement émue d’un tel projet. Le projet ne passa qu’avec des modifications si profondes, que le gouvernement ne crut pas devoir le porter à la chambre des pairs.
    Mais une ordonnance du 27 février 1815 procéda par épuration. On élimina l’illustre procureur-général Merlin de Douai, qui avait voté la mort de Louis XVI, et le premier président Muraire. Celui-ci fut remplacé par M. de Sèze, l’ancien défenseur de Louis XVI.
  3. « Si la brochure de Méhée (Dénonciation au roi des actes et procédés par lesquels les ministres de sa majesté ont violé la constitution) fait du mal, la réfutation contenue dans le Journal des Débats d’hier 29 en fera bien davantage. Veuillez lire ce numéro, et vous aurez peine à croire que l’on puisse à ce point exciter les haines.
    On parle, on prêche sans cesse l’oubli du passé, la concorde, la paix, l’union de tous les Français, et chaque jour on allume les flambeaux de la discorde, on provoque la guerre civile, et l’on s’efforce de classer les Français en amis et ennemis. »
    (D’Hauterive à Talleyrand, 30 septembre 1814.)