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les premiers et les seuls efforts sérieux d’organisation qui soient à l’honneur de l’ancien régime, tels que l’affectation à l’université des vastes terrains naguère occupés par ses rivaux ; la réunion au collège Louis-le-Grand de 27 petits collèges et de leurs bourses, l’établissement d’un chef-lieu de l’université dans une partie des bâtimens de ce même collège, en 1763 ; la création de soixante places d’agrégés près la faculté des arts et d’un concours d’agrégation, en 1766 ; enfin le règlement du 4 décembre 1769 pour les exercices intérieurs du collège Louis-le-Grand.

L’honneur de ces premiers essais d’organisation revient au parlement, surtout à celui de Paris, qui donna l’impulsion, et cet honneur est réel. Toutes ces mesures étaient bonnes ; l’institution du concours d’agrégation surtout eût certainement produit avec le temps les meilleurs résultats. Gardons-nous cependant d’exagérer. Si judicieuse qu’ait été l’initiative des parlemens, il ne faut pas oublier, en stricte équité, qu’elle leur était en quelque sorte imposée par le rôle décisif qu’ils avaient joué dans le plus grand événement scolaire du temps. On a beaucoup disserté sur l’expulsion des jésuites, et le sujet n’est malheureusement pas, il s’en faut, épuisé. Il n’entre pas dans le cadre de cette étude d’apprécier les causes et la moralité de cette révolution moitié pédagogique et moitié politique ; une telle digression nous entraînerait beaucoup trop loin.

Mais, quelque opinion qu’on professe sur le fond même de la question, une chose certaine, c’est que la suppression des 200 collèges de la compagnie de Jésus dut porter un grand trouble dans les études, les jésuites, en disparaissant, après une possession d’état de deux siècles, laissaient un vide immense. Ce vide, il fallait le combler. Or, qui y était plus directement intéressé que les parlemens ? À qui revenait plus nécessairement la tâche de réparer, dans la mesure du possible, tant de ruines accumulées en un instant ? À qui, si ce n’est à ceux qui les avaient faites ? Que si après avoir soulevé l’opinion contre la société de Jésus, avoir instruit son procès, l’avoir dissoute et chassée, les parlemens s’étaient croisé les bras, à quels reproches d’impuissance et d’étourderie ne se seraient pas exposés ces graves compagnies ? C’était bien le moins, en vérité, qu’ayant détruit, ils aient tenté de restaurer.

Et notre observation ne vise pas seulement les quelques mesures conservatoires énumérées plus haut ; elle s’applique avec non moins de force aux projets beaucoup plus vastes élaborés en particulier par plusieurs parlementaires. L’expulsion des jésuites devait, par une suite toute naturelle, amener leurs adversaires au dessein d’une éducation nationale et civile dirigée par l’état, dans le sens de ses