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de bouche en bouche, que la conduite de la Chine dans cette affaire ne soit pas bien comprise, qu’il en résulte pour elle de la haine, du mépris, et que les relations amicales qu’elle entretient avec d’autres puissances ne s’en trouvent altérées.

« En conséquence, agissant en dehors de nos statuts et par une grâce spéciale, nous annulons temporairement la sentence de décapitation prononcée contre Chung-How et exécutoire après cet automne. Il sera néanmoins détenu en prison jusqu’à l’arrivée du marquis de Tseng à Saint-Pétersbourg, et sachant alors à quoi nous en tenir en toute cette affaire, nous la réglerons, s’il y a lieu, par un nouveau décret. Dès que le marquis de Tseng aura connaissance de la présente notification, il fera savoir au gouvernement de Russie que la sentence de mort prononcée contre Chung-How a été temporairement rapportée, et que cet acte de clémence est une preuve évidente des sentimens d’amitié que la Chine entretient à l’égard de la Russie.

« Dans le nouveau traité qui va être négocié, que le marquis de Tseng agisse à sa guise, qu’il obtienne une solution favorable et conforme aux volontés que nous lui avons déjà fait connaître ! Qu’on respecte ceci! »


VI.

Revenons aux négociations.

La Russie avait primitivement exigé une somme de 9 millions de roubles pour s’être constituée, comme nous le savons, la gardienne complaisante du Kouldja; les 9 millions ne furent pas contestés ou du moins la Chine consentit à les payer. Dans le traité de Livadia, la Russie avait obtenu l’occupation définitive de certains défilés qui la rendaient absolument maîtresse des portes de la Chine à l’ouest et au sud; avec le marquis de Tseng elle consentit à les abandonner et à ne prendre qu’une vallée située dans la province de l’Ili. Cette concession lui était absolument indispensable, son intention étant d’y donner asile aux Dounganes musulmans, à tous ceux qui s’étaient empressés de changer de nationalité à la nouvelle du départ possible de l’armée russe d’occupation. Les Chinois, gens vindicatifs, n’eussent pas en effet manqué de massacrer un jour jusqu’au dernier de ces anciens rebelles. Les mettre à l’abri de toute vengeance rétrospective était une question d’honneur pour une grande nation comme la Russie. M. le marquis de Tseng, heureusement, le comprit, et la vallée en question changea de maîtres.