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la première moitié du XVe siècle. Cette vogue provenait de plusieurs causes dont la principale était le développement que prit à cette époque dans toutes les classes de la société le tiers ordre de Saint-François. Dès le XIIIe siècle, Pierre des Vignes, effrayé de l’influence croissante des ordres mendians, écrivait : « C’est à peine s’il y a un homme ou une femme dont on ne trouve le nom sur la liste des membres des tiers ordres fondés tant par les frères mineurs que par les frères prêcheurs. » Ce mot du célèbre chancelier de Frédéric II peut être pris presque à la lettre si on l’applique aux fidèles de certaines régions de la France sous le règne de Charles VII. Ces régions étaient celles où les franciscains exerçaient une influence dominante. Ils devaient cette influence, tantôt à la popularité résultant du rapprochement de plusieurs de leurs couvens, et c’était le cas pour la vallée de la Meuse supérieure où la seule ville de Neufchâteau possédait deux monastères, l’un de cordeliers, l’autre de clarisses, tantôt à quelque protection princière comme en Savoie, en Bourgogne et en Bourbonnais, tantôt à la propagande incessante d’un évêque titulaire ou suffragant pris dans leurs rangs, tel que fut Henri de Vaucouleurs dans le diocèse de Toul, tantôt enfin à ces trois causes réunies, ainsi que cela arriva pour une partie du Barrois et de l’Anjou au temps de la mission de Jeanne d’Arc.

Si grand était dans ces pays le prestige dont étaient entourés les frères mineurs qu’on y voyait des fidèles de tout âge, de tout sexe, de toute condition embrasser à l’envi le tiers ordre de Saint-François. Pour entrer dans cet ordre et participer à ses avantages spirituels et temporels, la seule condition exigée était une profession de foi catholique et d’obéissance à l’église. Le lien conjugal n’était pas un obstacle, et toute femme mariée y pouvait être admise dès qu’elle avait la permission expresse ou tacite de son mari. D’ailleurs, aucune des prescriptions de la règle du tiers ordre n’obligeait le membre qui avait fait vœu d’y obéir, sous peine de péché mortel. Les parens y pouvaient vouer leurs enfans dès l’âge le plus tendre. Un certain nombre de petits enfans des deux sexes, ainsi affiliés, étaient élevés aux frais des couvens, les garçons jusqu’à quatorze ou quinze ans, les fillettes jusqu’à douze ou treize ; si leur vocation monastique se décidait à ce moment, ils restaient dans le cloître ; sinon, ils rentraient dans le monde avec une dot. L’usage était de désigner ces pupilles des monastères sous le nom de petits enfans des mendians, et c’est en leur compagnie que Jeanne aimait à recevoir le sacrement eucharistique.

Le port des emblèmes représentant le monogramme du nom de Jésus, la récitation habituelle de la prière appelée la Salutation angélique, une dévotion toute spéciale pour les deux fêtes de la