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sont tendues de magnifiques tapisseries, parmi lesquelles celles des Actes des apôtres, d’après les cartons de Raphaël. Comme celles-là, dit le livret, « sont d’une beauté extraordinaire, il n’y a aucun tableau dessus, mais seulement des ouvrages de sculpture. » Les tableaux sont placés sur trois et quatre rangs en hauteur, assez près du sol, espacés entre eux. Le fond de la galerie est formé par un dais sous lequel se place le trône royal. C’est vraiment le Salon des arts, et le nom en restera. Non-seulement le décor était magnifique, mais les objets exposés étaient dignes du décor. Trois cents tableaux ou statues y représentaient le talent des académiciens. On y voyait seize toiles de Noël Coypel, douze de Bon Boullogne, huit de Jouvenet, sept de La Fosse ; François de Troy, à lui seul, avait apporté vingt-quatre portraits et Largillière onze, avec deux grandes compositions. Coysevox, Girardon, Renaudin y avaient posé sur des socles décoratifs de leur invention les modèles de leurs derniers groupes ou statues commandés pour Versailles. L’exposition de 1704, organisée dans les mêmes conditions, ne fut pas moins brillante. « La partie de la galerie employée a 110 toises de long, et de chaque côté, entre les croisées, dix-sept trumeaux ornés de tapisseries où sont rangés les ouvrages de peinture et au milieu de la galerie, devant les trumeaux et dans les embrasures des croisées, les ouvrages de sculpture. » Noël Coypel y reparaît avec vingt-sept tableaux, de Troy avec vingt-cinq, Antoine Coypel avec dix-sept, Jouvenet avec seize, Largillière avec vingt-deux, Rigaud avec vingt-cinq. C’est alors que les trois grands tableaux de Jouvenet, aujourd’hui au Louvre, la Résurrection de Lazare, les Vendeurs chassés du temple, le Repas chez Simon, descendirent « dans la cour, au pied de l’escalier qui sert de sortie. » La France fut trop triste durant la vieillesse de Louis XIV et trop légère durant la régence pour qu’on s’occupât de l’Académie et de ses Salons. Il faut attendre jusqu’à l’année 1725 pour retrouver le règlement mis en vigueur. Le duc d’Antin eut alors la pensée de faire du Salon un concours extraordinaire. Un prix de 5,000 livres devait être donné aux deux meilleurs tableaux. Les dimensions étaient seules fixées, le sujet restait au choix des concurrens. Le jugement « avec avis motivés » fut prononcé par les académiciens non exposans. On partagea le prix entre de Troy le fils pour son Retour de chasse de Diane et Lemoine pour sa Continence de Scipion. L’opinion publique protesta contre le jugement de l’Académie et désigna à la faveur du roi le tableau de Charles-Antoine Coypel. A la suite de ce concours, qui troubla l’Académie, neuf ans de silence s’écoulent de nouveau ; mais en 1737 l’exposition prend définitivement possession du grand Salon carré du Louvre, où elle s’ouvrira désormais tous les deux ans, sinon tous les ans, pendant plus d’un siècle.