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C’est là qu’Apollon sur leurs pas,
Des beaux-arts ouvrant la barrière,
Tous les deux ans tient ses états,
Et vient placer son sanctuaire.


« On ne peut mieux définir, » ajoute le voyageur anglais qui cite ces vers du marquis de Villette insérés dans le Courrier de l’Europe en 1777, voyageur qu’on croit être sir Joshua Reynolds, « on ne peut mieux définir le lieu où se fait l’exposition. Il faut ajouter seulement qu’on débouche, par une sortie de trappe, d’un escalier, quoique assez vaste, presque toujours engorgé : sorti de cette lutte pénible ; on n’y respire qu’en se trouvant plongé dans un gouffre de chaleur, dans un tourbillon de poussière, dans un air infect, qui, imprégné d’atmosphères différentes d’individus d’espèce souvent très malsaine, devait à la longue produire la foudre ou engendrer la peste, qu’étourdi enfin par un bourdonnement continuel, semblable au mugissement des vagues d’une mer en courroux. Au reste, ce mélange de tous les ordres de l’état, de tous les rangs, de tous les sexes, de tous les âges dont se plaint le petit-maître dédaigneux ou la femme vaporeuse, est pour un Anglais un coup d’œil ravissant. C’est peut-être le seul lieu public où il puisse retrouver en France l’image de cette liberté précieuse dont tout offre le spectacle à Londres… Là, le savoyard coudoie impunément le cordon bleu ; la poissarde, en échange du parfum dont l’embaume la femme de qualité, lui fait fréquemment plisser le nez pour se dérober à l’odeur forte du brandevin qu’elle lui envoie. Là, les écoliers donnent des leçons à leurs maîtres… Mais aussi que de cabales se forment dans cette obscure enceinte ! que de complots s’y forgent ! Que de méchancetés ! que de noirceurs ! La fureur y aiguise ses traits ! L’envie y prépare ses poisons ! » Une petite gravure du temps, attribuée à Saint-Aubin, montre, en effet, l’escalier à rampe de fer, dont parle l’écrivain anglais, débouchant sur le salon carré à peu près à l’endroit où se trouve aujourd’hui la Belle Jardinière. Le concierge de l’Académie, en costume de suisse, assis devant une table, vend les livrets, sa hallebarde au poing. Deux célèbres gravures de Martigny nous ont conservé aussi l’aspect des salons de 1785 et de 1787. On doit avouer qu’en fait de places, les académiciens n’étaient pas difficiles. Les tableaux superposés jusqu’aux frises occupent cinq étages ; ceux du roi donnent l’exemple de l’humilité. C’est au quatrième rang, à cinq mètres au-dessus du sol, que les Horaces de David prononcent leur serment héroïque. Ils ont, au-dessous, le Dauphin et Madame, fille du roi, par Mme Lebrun, au-dessous encore la Reine, le Dauphin et Madame se promenant dans le jardin anglais du petit Trianon, tous portraits en pied de