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demandait modestement une part dans la formation du jury pour les artistes élus par leurs pairs. La demande n’ayant point été accueillie et l’agitation grossissant, un travail plus complet sur l’Exposition et le Jury fut préparé pour l’année suivante dans le même groupe. Les rédacteurs étaient, on l’a su depuis, MM. Frédéric Villot, Clément de Ris, Boissard. La distribution, commencée le 10 février 1848, n’était pas terminée quand éclata la révolution ; les circonstances lui donnèrent une force inattendue. Le projet de règlement qui formait la conclusion du livre était conçu avec une clarté et un sens pratique qui devaient l’en faire bientôt le manuel des organisateurs d’expositions. Les artistes y reconnaissaient la nécessité d’un jury d’admission, mais demandaient que ce jury fut nommé par eux. Ce jury, afin d’éviter les entraînemens de coterie, se divisait en deux sections, dont la seconde révisait les ouvrages refusés par la première. Chaque genre n’était justiciable que de ceux qui le pratiquaient. L’exemption était créée au profit des artistes récompensés afin de les mettre à l’abri des reviremens du goût ou de l’indifférence des générations suivantes. On désirait enfin que les Salons ne fussent plus faits au Louvre, où l’on perdait pendant plusieurs mois la vue des chefs-d’œuvre anciens, mais dans un local spécial. Presque toutes les réformes demandées ont été appliqués depuis, et l’expérience a prouvé le bon sens de ceux qui les avaient étudiées.

Dans le premier moment de la révolution, l’effervescence était pourtant trop grande pour qu’on s’en tint à des changemens si modérés. Le gouvernement provisoire s’installait à peine qu’une pétition lui fut portée, au nom d’un groupe d’artistes, par Barye, Diaz et Couture. On y réclamait non-seulement des réformes au Salon, on y demandait aussi « que les fonctionnaires qui, par la nature de leur emploi, exercent une action immédiate et directe sur les beaux-arts, fussent élus par la corporation des artistes en assemblée générale. » C’était, cette fois, la substitution pure et simple d’une corporation, non encore constituée, au pouvoir exécutif, Lamartine, avec sa noble bienveillance, accueillit les pétitionnaires et les engagea à former cette assemblée. La réunion eut lieu à la salle Valentino. Comme il s’agissait d’une organisation universelle des Arts, peintres, architectes, sculpteurs, graveurs, journalistes, acteurs, musiciens, chanteurs, danseurs, tout le monde entra. Ce fut un pêle-mêle sans nom, un tumulte affreux. « Les personnes qui avaient provoqué la réunion voulaient, on le suppose du moins, proposer la création d’un ministère spécial des beaux-arts. » Ainsi s’exprime la République des arts, rédigée par MM. Pelletan, Thoré, Paul Mante, A. Esquiros. Les gens sensés comprirent qu’on avait voulu trop embrasser. On décida des réunions par groupes. Les