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jours après sur les bords de la rivière de l’Arc, dans cette plaine de Pourrières, dont le nom presque répugnant, campi putridi, semble avoir conservé le souvenir de leur effroyable extermination.

Le plateau des Alpines était, alors comme aujourd’hui, complètement dénudé ; et, si les plaines d’Arles et de la Camargue étaient riches en fourrage, les armes, les munitions, le blé surtout, ne pouvaient venir que de Rome et par mer ; car la mer était à cette époque la seule route sûre, prompte et facile. Mais pour remonter jusqu’à Arles, il fallait d’abord pénétrer dans le Rhône, et « les bouches du fleuve, écrit Plutarque, recevaient une vase abondante ; elles étaient obstruées par une boue profonde, et l’entrée en était difficile, laborieuse et insuffisante pour les vaisseaux qui venaient de la mer. » La question de la barre était donc la même il y a dix-huit siècles que de nos jours. Si le départ des convois était facile à l’embouchure du Tibre, il n’en était pas de même de leur arrivée dans le Rhône. Marius tourna la difficulté. Le plateau des Alpines était baigné de tous côtés par les eaux de la Durance et du Rhône, qui se répandaient dans de vastes étangs. Ces étangs se soudaient les uns aux autres, contournaient la ville d’Arles, descendaient sur la rive droite du fleuve le long de cette riche plaine, aujourd’hui exhaussée, qu’on appelle le Plan-du-Bourg et venaient aboutir dans le golfe de Fos au grau de Galéjon. C’était le goulet d’écoulement de toute la lagune, qui s’étendait alors depuis les Alpines jusqu’à la mer ; et l’étude topographique des lieux permet de reconnaître encore l’importance nautique que ce grau devait avoir aux premiers siècles. Alors que les embouchures du Rhône étaient soumises, comme elles le sont de nos jours, à toutes les éventualités de l’envasement, le grau de Galéjon était libre, ouvrait l’accès de la rade intérieure et permettait aux navires de remonter au-dessus d’Arles jusqu’à la hauteur de Tarascon.

Cette excellente situation s’est prolongée jusque vers le milieu du XVIIe siècle. « L’eau de la mer, écrivait H. Bouche vers 1660, aussi bien que les petites barques, peuvent entrer par de petits canaux dans l’étang de Fos ; les pêcheurs de Martigues entrent dans le grand canal de Galéjon pour y pêcher, et de ce canal ils pouvaient aller anciennement jusqu’à Arles, » et l’on conserve encore à la bibliothèque de Marseille une assez mauvaise carte de Provence qui porte la date de 1719, mais où l’on trouve la désignation très curieuse de ce grau sous le nom de « port de Baléjon. » Ce port était encore, au commencement du {{s|XVIII}, en communication directe avec l’étang de Montmajour, la plaine d’Arles et les marais des Baux, qui étaient alors complètement inondés, au