Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bouture avec un greffon à deux yeux, — je lie soigneusement avec un lien approprié et n’ai employé jusqu’ici aucun mastic. Chacun pourra faire en cela comme il l’entendra, pourvu que les greffes soient tenues fraîches et humides dans de la terre, ou mieux encore dans du sable en attendant la plantation. Par ce procédé, tranquillement assis chez moi, je puis faire cent soixante-quinze greffes par jour, tandis que le même travail fait en place, trois années plus tard, serait beaucoup plus long. Je laisse au jugement de mes collègues vignerons de décider si l’enracinement préalable en pépinière des boutures et de leurs greffes l’année suivante n’est pas préférable.

« Si les commandes de boutures du Missouri sont faites en octobre, elles seront expédiées en janvier, la plantation pourra donc avoir lieu en mars au plus tard. Ne vous attendez pas à recevoir des boutures avec autant d’yeux et aussi fortes que celles auxquelles nous sommes habitués ; elles seront pour la plupart minces et long-jointées, mais pousseront quand même. Je ne sais comment sont les troncs de ces vignes du Missouri, mais aucune plainte ne me parvient de France, et je crois volontiers que, favorisées par notre sol et notre climat, elles s’amélioreront comme l’ont fait les riessling, gutedel et autres. »

Cette citation est longue ; mais j’ai cru que la naïve profession de foi d’un Californien avait sa valeur et apportait une pierre utile à l’édifice. Ajoutons en passant que Julius Dresel renoncera aux boutures greffées le jour où il cessera de les faire lui-même ; il fera alors greffer des enracinés, les remettra d’abord en pépinière et seulement l’année suivante en place.

Arrivons enfin à l’étude des principales variétés de vignes indigènes et à leur classement dans les différens états de l’Union. Je dis principales variétés, et ce mot est encore trop large d’acception, vu le nombre restreint de celles que nous allons passer en revue. Le catalogue de Bush donnait, en 1876, trois cent quatre-vingt-quatre variétés ; depuis il en a surgi beaucoup d’autres. Nous ne parlerons ici que des variétés les plus connues, ayant une histoire utile à l’intelligence de la présente étude ou des qualités particulièrement utiles, c’est-à-dire une résistance à toute épreuve ou une fertilité tellement exceptionnelle qu’elle fasse accepter quelques doutes au sujet de la résistance, ou enfin une fertilité et une qualité acceptables comme culture directe.

En 1856, Charles Reemelin, d’Ohio, écrivait[1] :

« Dans ce pays, il n’y a encore que deux vignes à vin qui aient conquis une réputation durable : l’isabelle et le catawba. Aucun

  1. The Wine dressers Manual ; New-York, 1856.