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de forces, des expéditions de troupes, la formation de petits corps d’armée. Aujourd’hui, de quelque nom qu’on la nomme, la campagne est engagée sur tous les points par l’entrée de nos soldats en terres tunisiennes. Quel sera le résultat définitif de ces opérations qu’on a mis un mois à préparer, qui intéressent visiblement noire sécurité et notre influence en Afrique ? Quels sont les projets, les combinaisons que le gouvernement tient en réserve dans le secret de ses calculs ? C’est une question qui peut être ou simplifiée ou compliquée par le cours des événemens, par l’imprévu. Ce qui est certain pour le moment, en attendant l’avenir de demain, c’est que cette campagne qui commence à peine au milieu de contestations de diverse nature et de mouvemens préliminaires un peu décousus, n’est point sans offrir dès le début quelques enseignemens utiles à saisir et à préciser.

Le premier enseignement qui se dégage de toute une situation, d’un ensemble de faits, c’est qu’évidemment avec un peu de prévoyance, on aurait pu éviter ce qui arrive aujourd’hui et prévenir une crise qu’on est maintenant réduit à dominer par la force. Il y a deux ou trois ans, cette question de Tunis, qui faisait une courte et furtive apparition au congrès de Berlin, ne semblait même pas douteuse aux yeux de l’Europe. L’Allemagne et l’Angleterre étaient les premières à reconnaître que la France, par son passé, par sa position méditerranéenne, par son rôle de puissance civilisatrice en Afrique, par ses intérêts de sécurité, avait une sorte de droit naturel de prépotence à Tunis : elles encourageaient presque ou elles ne désapprouvaient pas une prise de possession de la régence, tout au moins un protectorat rattachant la Tunisie à l’Algérie, On refusait d’écouter ces suggestions parce qu’il semblait peu digne de la France de revenir du congrès avec sa part de butin, de chercher un dédommagement de ses malheurs dans un agrandissement en Afrique, C’était le motif avouable et après tout honnête ; il y en avait un autre, a-t-on dit. Pourquoi ne pas répéter un mot qui aurait été prononcé à cette époque, non, bien entendu, dans les conseils du gouvernement ? On ne voulait pas que la république obtînt ce qu’on regardait comme son premier succès sous M. le maréchal de Mac Mahon ! Soit, l’égoïste jalousie de parti se mêlait à un sentiment de générosité supérieure pour conseiller de résister aux excitations qui nous poussaient vers la régence. Il y avait du moins alors une politique bien simple à suivre : puisqu’on ne voulait pas aller régner à Tunis, c’était l’acte de la plus vulgaire prévoyance de ne point admettre que ce territoire respecté par nous devînt un camp ennemi, que ce petit prince qui depuis un demi-siècle a plus d’une fois éprouvé les bienfaits de notre protection pût s’accoutumer à favoriser ou à tolérer des procédés malveillans à notre égard. Il est bien certain que si, dès le premier moment, on avait, eu l’œil sur ce qui sa passait à Tunis, sur les