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de faire quelques réserves ; au demeurant toutefois, il semble prendre son parti. Ce n’est pas tout, il est vrai : il reste encore l’acceptation définitive à obtenir des chambres helléniques, l’exécution du traité, la cession effective des territoires, les garanties réciproques à établir pour les musulmans qui passent sous la domination grecque, aussi bien que pour les Grecs qui continuent à dépendre de la Porte. C’est une phase nouvelle qui peut réserver encore plus d’une surprise. Les chambres helléniques qui vont se réunir pourraient sans doute se livrer à de dangereuses exagérations. La Turquie, de son côté, n’est pas sans avoir des embarras en présence de l’insurrection flagrante de cette ligue albanaise qu’elle a provoquée elle-même quand elle croyait pouvoir s’en servir dans l’affaire du Monténégro, qu’elle est réduite maintenant à réprimer par les armes. Tout cela veut dire qu’il y aura encore des difficultés. La question a cependant fait un pas des plus sérieux par cela même que la diplomatie a trouvé un point de conciliation possible. Ce que la Grèce a certainement de mieux à faire, c’est d’accepter sans tant de façons, de bonne grâce, une extension de territoire qu’elle obtient sans combat. Quant aux puissances, elles ont épuisé, par ce dernier acte de médiation, tout ce qu’elles avaient de bonne volonté, et il est peu vraisemblable qu’elles se laissent absorber indéfiniment par cette querelle turco-hellénique lorsque la plupart ont tant à faire chez elles.

La Russie, qui est toujours la puissance la plus engagée dans ces complications orientales, qui se charge quelquefois de précipiter les événemens comme elle l’a fait pour la dernière guerre, la Russie a aujourd’hui de trop cruelles diversions intérieures pour être tentée de chercher des difficultés sur le Bosphore. C’est bien assez pour elle d’avoir à se reconnaître au lendemain de l’effroyable attentat qui a coûté la vie à l’empereur Alexandre II, au milieu des incertitudes d’un nouveau règne et des préoccupations pénibles qu’entretient une incessante agitation révolutionnaire. Les premières semaines qui ont suivi l’attentat de mars ont été tout entières au deuil impérial. Le procès des meurtriers du dernier tsar a été fait, et les condamnés n’ont pas tardé à subir là peine qui leur a été infligée : ils ont été exécutés au milieu d’une foule émue du supplice. L’expiation a suivi de près le crime ; mais le châtiment de quelques coupables n’a pas supprimé la conspiration insaisissable qui ne cesse de s’agiter et de se manifester, qui menace le nouveau tsar ; la question politique ne subsiste pas moins tout entière. Il reste à savoir quelles seront les conséquences du terrible événement du mois dernier, ce que sera ce nouveau règne si tragiquement inauguré, comment on pourra d’abord déjouer les complots, l’œuvre révolutionnaire qui se poursuit audacieusement, de quelle manière on fera la part des répressions nécessaires et des concessions qui pourraient