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une issue, soit vers la Méditerranée du nord, soit vers le golfe saharien du sud. Dans tous les cas, les immenses dépôts de terrains meubles accumulés sur les sommets auraient été entrâmes, déblayés jusqu’à la roche vive. Leurs débris, charriés par les torrens, auraient comblé les lagunes des bas-fonds, sur l’emplacement desquels se serait formé un vaste lac qui n’aurait pas tardé à déverser et à se creuser un chenal vers le golfe de Gabès. L’écoulement général des eaux se serait régularisé dans le lit d’un large fleuve encaissé dans ses propres alluvions, se ramifiant vers l’amont en trois grandes artères principales, ayant chacune un régime approprié aux conditions orographiques de son bassin particulier.

Toutes proportions gardées, avec des dimensions de bassin et des débits par suite dix fois plus considérables, l’Igharghar, au cours majestueux, prolongeant ses sources dans de hautes montagnes, traversant de larges plateaux, aurait été le Rhône de cet appareil fluvial dont l’O.-Mia eût représenté la Saône aux eaux dormantes et l’O.-Djédi la torrentielle Durance. Si un tel état de choses eût jamais existé, on en trouverait des traces certaines, ineffaçables, qu’on ne voit nulle part. L’œuvre d’érosion est à peine entamée et celle du dépôt n’est naturellement pas plus avancée.

Les alluvions modernes, comme je viens de le dire, n’en occupent pas moins d’immenses surfaces le long des fleuves sahariens ; mais en l’état, quelle que soit la richesse relative des élémens minéraux que contiennent ces terrains, ils ne sauraient contribuer beaucoup à la prospérité agricole du pays. L’alluvion limoneuse qui partout ailleurs constitue le type des terres éminemment fertiles, est frappée d’une complète stérilité tant qu’elle n’est pas arrosée, sous le climat du Sahara.

Le sol calciné par le soleil, desséché par le vent, pareil à l’argile battue d’une aire à dépiquer, devient imperméable à l’air comme à l’eau pluviale, sans que le moindre brin d’herbe puisse y pousser. La végétation naturelle, exclue des meilleures terres, ne se retrouve que dans les sols qui, sous nos climats, sont au contraire considérés comme les plus improductifs, dans les sables et les terres salées.

Les sables perméables à l’eau comme à l’air, laissant pénétrer l’eau pluviale et la préservant d’une trop rapide évaporation, produisent une végétation spéciale d’arbustes et de graminées traçantes, chiendens vivaces qui fixent les dunes et les recouvrent çà et là d’une maigre verdure.

Les terrains salés qui occupent de très grandes surfaces dans le Sahara algérien exercent sur l’atmosphère une action hygrométrique qui lui permet d’absorber et de retenir une certaine humidité favorable à la végétation spéciale de tamaris, de salsolées et